Dolores O’Riordan, le 18 janvier 2012 à Paris. / JOEL SAGET / AFP

Dolores O’Riordan a été retrouvée morte à 46 ans, le lundi 15 janvier, dans sa chambre d’hôtel. Elle était à Londres pour une session d’enregistrement avant de partir en tournée. Choqués, les nombreux fans de la leader du groupe The Cranberries ont aussitôt réagi à cette mort soudaine, dont la cause n’a pas encore été déterminée, faisant ressurgir leurs souvenirs adolescents de cette « voix d’une génération »

Mais Dolores O’Riordan était connue aussi parce qu’elle dérangeait. Ses comportements critiquables ainsi que ses propos extrêmes sur des sujets sociétaux résonnaient fort, déteignant sur le groupe et lui donnant une image réactionnaire et controversée. Loin de s’être estompés, ses mots ont ressurgi, contrastant avec les hommages habituels sur les réseaux sociaux.

L’interprète du tube planétaire Zombie avait par exemple un avis très tranché sur l’avortement auquel elle n’était pas favorable. Dans un article du magazine musical Rolling Stones datant de 1995, elle déclarait :

« Je ne suis pas en position de juger d’autres femmes, mais je voudrais leur dire : “Idiote, pourquoi n’as-tu pas été enceinte ? Ce n’est pas bon pour les femmes de se faire avorter et de subir tout ce que ça implique. Avoir quelque chose de vivant aspiré hors de leurs corps, ça les rabaisse. Chaque fois qu’une femme se fait avorter, elle écrase son amour-propre, de plus en plus, à chaque fois. »

Taxée d’antiféminisme

O’Riordan était également taxée d’antiféminisme, à la suite d’une déclaration qu’elle avait faite en 1994 : « Le féminisme, pour moi, c’est quelque chose pour les filles qui se sont fait plaquer trente fois dans leur vie et qui décident que les hommes sont tous des ordures », comme le pointait cet article du Monde consacré au groupe en 2005. Néanmoins, la citation a été tronquée et extraite de son contexte. En témoigne la republication de l’interview complète dans Les Inrockuptibles qui éclaire le contexte de cette déclaration : « Le journal américain Interview m’a demandé d’écrire un article sur le sujet, dans lequel j’étais censée représenter la révolution féministe. Arrivé au stade des photos, ils m’ont demandé de poser nue. Est-ce le meilleur moyen de prendre les femmes au sérieux et d’être traitées sur un pied d’égalité ? Jamais on n’aurait demandé à un homme d’enlever son pantalon. Pour moi, le féminisme, ça ne se passe pas à poil. C’est plus une question d’esprit et de psychologie que de seins. »

Autre sortie polémique pour cette icône rock, cette fois où elle avait déclaré : « Dans certains cas, je suis pour la peine de mort. A Singapour, on coupe les mains des voleurs, on coupe les têtes des meurtriers. Résultat : il n’y a plus de crimes. » Ici encore, la réponse avait été amputée de son contexte qui était : « A propos des assassins d’enfants et des violeurs dans certains cas, je suis pour la peine de mort. » Un propos qui prend sens quand on sait ce qu’elle a traversé durant son enfance.

Autodestruction

La vie de Dolores O’Riordan a été rongée par un passé sombre, rempli de démons, qu’elle a portés en elle pendant des années sans pouvoir en parler. « Durant quatre ans, quand j’étais une petite fille (entre 8 et 12 ans), j’ai été abusée sexuellement. Je n’étais qu’une enfant. » Au fil de l’interview qu’elle a donnée en 2013, elle confie que ça ne l’a jamais quittée. C’est un « traumatisme que j’ai toujours porté en moi. (…) Je pensais que c’était de ma faute. Je l’ai enterré au fond de moi parce que j’avais honte. Je me disais : “je suis horrible et dégueulasse”. Je ressentais une terrible haine de moi-même. Après, je suis devenue célèbre à 18 ans et ma carrière a pris le dessus. C’était encore plus difficile. C’est là que je suis devenue anorexique. »

Elle avoue également avoir joué la comédie et s’être arrangée pour faire bonne figure. Jusqu’à une dépression nerveuse. Elle a ensuite été diagnostiquée bipolaire. Plus tard, elle a « essayé de [se] faire mourir d’overdose » sans y parvenir ; elle suppose qu’elle a dû rester « pour ses enfants ». En 1993, Dolores voulait déjà mourir. « Parce que tu penses que c’est de cette façon que tu seras en paix. Quand tu es mort, ça ne peut jamais être pire que le sale état dans lequel tu es vivant. »

En 2014, elle avoue avoir eu des pensées suicidaires durant toute sa vie, « sans aller jamais assez loin ». « Je suis plutôt quelqu’un de bien, mais je suis pas mal portée sur la bouteille. Et je fume cigarette sur cigarette quand je bois. Quand j’ai des mauvais jours à cause de mes mauvaises pensées, je me rue sur l’alcool. Et tout s’empire. Je n’essaye pas de me justifier, je dis ce qu’il se passe. Ce qu’il s’est passé. Et peut-être qu’en sachant ça, les gens comprennent qui tu es et pourquoi tu es un peu amère. »