Membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, auteure de Les métiers ont-ils un sexe ? (Belin, 2014), ­Françoise Vouillot appelle à s’intéresser dès la maternelle aux normes imposées aux deux sexes, tout en réalisant un « vrai travail auprès des ­jeunes hommes » sur les filières dites féminines.

Vous vous êtes récemment engagée en faveur de l’écriture inclusive (dans une tribune du 20/11/2017), dans quelle mesure le langage peut-il influer sur les choix d’orientation ?

Si on revient à l’idée que le langage n’est pas neutre mais qu’il agit, au contraire, sur les représentations, on sait que la manière de présenter les métiers et les filières de formation – au masculin – ne permet pas l’identification. Quoi qu’on en dise, le masculin n’est pas un neutre. Il n’est d’ailleurs venu à l’idée de personne d’affirmer que le genre grammatical féminin était neutre ou générique. Et, si on le décrétait, je pense que ça ferait beaucoup de remous.

Une étude menée à l’université de Clermont-Ferrand révèle que, quand la forme grammaticale féminine est utilisée, les filles se sentent plus aisément compétentes, surtout quand il s’agit de métiers prestigieux et difficiles d’accès, largement occupés par des hommes. A l’inverse, quand on écrit au féminin, les garçons ne se sentent pas concernés. Et c’est logique.

C’est donc les deux sexes qu’il faut inclure de façon égale dans ce combat pour davantage de mixité ?

On n’arrivera pas à produire une désexuation de l’orientation si on ne s’intéresse pas en même temps aux garçons. Historiquement, on s’est plus préoccupé de la question d’orientation des filles vers des filières scientifiques et techniques qu’on ne s’est intéressé à l’orientation des garçons vers les filières littéraires et sociales. Il a pu paraître légitime qu’on s’intéresse aux filles, mises en situation d’inégalité des chances, en matière d’orientation vers des filières qui sont à la fois plus prestigieuses et plus porteuses d’emploi.

Mais, si on ne fait bouger que les filles, les garçons vont vers les filières où il y a les garçons, et ça ne va pas contribuer à la mixité. Et les garçons sont autant sous l’emprise de stéréotypes de sexes et sont encore plus résistants à changer leurs orientations traditionnelles. Car, aller vers des filières dites féminines, c’est aller vers quelque chose qui est moins valorisé et valorisant – ne plus être vu comme « un vrai garçon masculin hétérosexuel ». Il y a un sentiment de déclassement économique et social et une pression identitaire de la part des parents et des copains. Il y a donc un vrai travail à faire auprès des jeunes hommes.

Il faut donc s’atteler à un travail de déconstruction des stéréotypes de genre ?

Le genre, c’est un système qui définit des normes de masculinité et de féminité en vigueur à un moment donné, dans une culture donnée. Ce qu’il faut déconstruire, c’est bien ce système de genre qui définit ce que doivent être les femmes et les hommes. Il faut travailler – et pas seulement au niveau du bac, dès le plus jeune âge à l’école – à faire en sorte que ce système de normes n’influe pas sur le développement des petites filles et des petits garçons et n’ait pas d’impact sur leur trajectoire professionnelle au moment de l’orientation.

Il n’y a aucune raison naturelle pour que le sexe biologique ait une influence sur les choix d’orientation ! L’enjeu est aussi économique que de société. On n’aura jamais l’égalité professionnelle sans mixité d’orientation !

« Le Monde » aide les jeunes à s’orienter vers les études supérieures

Pour aider les 16-25 ans, leurs familles et les enseignants à se formuler les bonnes questions au moment d’effectuer les voeux d’orientation, Le Monde organise les conférences O21/s’orienter au 21e siècle, à Nancy (1er et 2 décembre 2017), Lille (19 et 20 janvier 2018), Nantes (16 et 17 février 2018), Bordeaux (2 et 3 mars 2018) et Paris (17 et 18 mars 2018).

S’y ajoutent des salons étudiants : après ceux des grandes écoles (SAGE) et des formations artistiques (START), organisés chaque année en novembre et décembre, le Salon des masters et mastères spécialisés (SAMS) est prévu samedi 27 janvier.

A consulter également, notre rubrique Le Monde Campus, et tout particulièrement ses sous-rubriques O21, Etudes supérieures et Parcoursup APB, où sont notamment mis en ligne les articles de notre supplément « L’orientation est-elle sexuée ? », publié dans Le Monde daté jeudi 18 janvier.