Franck Gastambide (droite) et Moussa Mansaly dans le film « La Surface de réparation » de Christophe Régin. / ARP SELECTIONS

L’avis du « Monde  » - A voir

Ce pourrait être un mot composé : tchao-pantin. L’expression « faire un tchao-pantin » désignerait alors la manœuvre par laquelle un comique s’empare d’un rôle tra­gique pour asseoir son statut d’acteur à part entière, souvent aux alentours de la quarantaine, comme Coluche le fit dans le film de Claude Berri en 1983. Quelques décennies plus tard, c’est au tour de Franck Gastambide de tenter l’exercice.

L’humeur de l’interprète et réalisateur des Kaira, de Pattaya et – bientôt – de Taxi 5, vire au noir dans ce premier long-métrage de Christophe Régin, qui mine une veine jusqu’ici peu exploitée par le cinéma français, les bas-fonds du football français. Le réalisateur et son interprète en extraient une ambiance singulière qui baigne tout le film et masque ses imperfections.

Franck (Franck Gastambide) vit aux marges du Football Club de Nantes (dont les installations tiennent leur propre rôle, mais on suppose que les turpitudes ici mises en scène relèvent de la pure fiction). Côté face, il contribue à l’entraînement des jeunes du centre de formation. Côté pile, il sert de chaperon aux joueurs qui se laissent un peu aller, les préservant du mieux qu’il le peut des foudres de la justice et du regard des médias. Comme ces activités non officielles ne sont guère lucratives, il vivote en vendant de pauvres scoops à la presse et aux sites à scandale.

Le ton juste

Franck prend le président du club (Hippolyte Girardot) pour une planche de salut. A cet homme affable, il attribue une bienveillance paternelle qui n’est qu’apparente. Le retour dans l’équipe d’un joueur en fin de carrière (Moussa Mansaly) qui fut en même temps que Franck l’un des espoirs du club, force ce dernier à prendre la mesure de son échec. Franck Gastambide trouve immédiatement le ton juste pour communiquer ce mélange d’amertume et d’innocence enfantine qui force son personnage à ne pas renoncer.

Christophe Régin prend un plaisir manifeste à détailler les mécanismes d’un écosystème brutal qui martyrise les corps et les ego. Tourné en hiver, son film est fait de journées trop courtes et de nuits interminables où tout se ­dérègle. Le dérèglement, pour Franck, a le visage de Salomé (Alice Issaz), une fille qui va de club en club en espérant tirer quelque chose de la fréquentation assidue des joueurs. Ce personnage féminin est le plus original du film, loin des femmes fatales du cinéma noir français, il cherche avant tout sa propre autonomie, et son interprète lui insuffle une belle énergie. Son rôle dans la mécanique dramatique de La Surface de réparation est moins heureux. Aussi à l’aise qu’il soit pour dépeindre une condition, Christophe Régin (qui est aussi le scénariste du film) est plus emprunté quand il s’agit de la mettre en mouvement. Les efforts surhumains que fait Franck pour échapper à la précarité et au dénuement se font plus prévisibles – grosse arnaque, plans de fuite à l’étranger – et le film perd de sa singularité. Il n’empêche, il a donné pendant une heure et demie une réalité et une humanité inédites à une ­situation que l’on n’entrevoit souvent qu’à travers les titres racoleurs de sites spécialisés dans les frasques des célébrités.

LA SURFACE DE RÉPARATION - BANDE ANNONCE
Durée : 01:27

Film français de Christophe Régin. Avec Franck Gastambide, Alice Issaz, Hippolyte Girardot (1 h 34). Sur le web : www.unifrance.org, www.facebook.com/ArpSelection