Le pape François avec des représentants mapuches, à Temuco, à 600 kilomètres au sud de Santiago, au Chili, le 17 janvier. / Alessandra Tarantino / AP

Lors d’une messe au ton très politique, célébrée mercredi 17 janvier, dans le sud du Chili, le pape François a condamné le recours à la violence de certains groupuscules indigènes pour faire entendre leurs revendications. « Il est indispensable d’affirmer qu’une culture de la reconnaissance mutuelle ne peut pas se construire sur la base de la violence et de la destruction qui finissent par coûter des vies humaines », a-t-il annoncé devant 150 000 fidèles, au cours d’une messe célébrée sur un aérodrome désaffecté près de Temuco, à plus de 600 kilomètres au sud de Santiago.

La base aérienne de Maquehue est située sur des terres qui sont revendiquées par la communauté mapuche, qui représente environ 7 % de la population chilienne. Egalement présents dans la partie argentine de la Patagonie, les Mapuches ont résisté à trois siècles de colonisation espagnole et réclament qu’on leur rende des terres occupées par de grands propriétaires terriens et des entreprises forestières.

Au fil de procès et de décisions de justice, ils ont été réduits à vivre sur près de 5 % de leurs anciens territoires. Regroupés en petites communautés, sans espace suffisant pour cultiver le sol ou élever des animaux, nombre d’entre eux se sont vus obligés à renoncer à leur mode de vie traditionnel et à migrer vers les villes.

Incendies de matériel et d’églises

Quelques groupes se sont radicalisés ces dernières années, menant des actions de plus en plus violentes, comme des incendies de camions ou d’églises. De fait, plusieurs attaques aux engins incendiaires ont visé, mercredi, à l’aube, des églises et des hélicoptères d’entreprises forestières dans la région méridionale de l’Araucania. Trois églises avaient déjà été incendiées, mardi 16 janvier, dans la même région, et cinq autres ces derniers jours dans la capitale.

« On ne peut demander la reconnaissance en détruisant l’autre, car la seule chose que cela éveille, c’est davantage de violence et de division. La violence appelle la violence, la destruction augmente la fracture et la séparation. La violence finit par faire mentir la cause la plus juste », a affirmé le pape, qui avait commencé son homélie par Mari, mari (bonjour, en mapuche). « Küme tünngün ta niemün » (la paix soit avec vous), a-t-il ajouté, avant de rendre un hommage à la nature luxuriante de l’Araucania.

Les groupes mapuches qui commettent des actions violentes dans le cadre de leur lutte pour récupérer leurs terres sont visés par une dure loi antiterroriste. / DRAGOMIR YANKOVIC / AFP

Mardi, lors de son premier discours prononcé au Chili, devant les autorités politiques et civiles du pays, le pape François, très sensible à la cause des peuples indigènes, avait d’emblée appelé au respect des « droits » et de la « culture » des peuples autochtones. Mercredi, il a aussi demandé au gouvernement de ne pas se contenter de « belles promesses jamais appliquées » vis-à-vis des indigènes. « Cela aussi, c’est de la violence, a-t-il ajouté. Pourquoi ? Parce que cela frustre l’espoir. »

Les groupes mapuches qui commettent des actions violentes dans le cadre de leur lutte pour récupérer leurs terres sont visés par une dure loi antiterroriste, une législation dont l’application, pour cette ethnie, a notamment été critiquée par l’ONU.

La dictature d’Augusto Pinochet

Le souverain pontife, d’origine argentine, a également dédié sa messe, mercredi, aux victimes de la dictature d’Augusto Pinochet. Sur l’aérodrome de Maquehue, a gravement rappelé François, « eurent lieu de graves violations des droits humains » : il a, en effet, été un des principaux centres de détention de la région dans les années 1970, sous la dictature d’Augusto Pinochet. De nombreux cas de torture et des exécutions de prisonniers politiques y ont été rapportés.

François doit avoir une rencontre privée, jeudi, avec deux victimes de la dictature militaire de Pinochet à Iquique, ville à forte concentration de migrants, située à 1 450 kilomètres au nord de la capitale chilienne.

Durant l’unique visite d’un pape au Chili, en 1987, Jean-Paul II était apparu au balcon du palais présidentiel de La Moneda, accompagné par le général Augusto Pinochet, une image interprétée comme un aval donné au régime et qui avait irrité beaucoup de Chiliens.

La visite de François au Chili, qui prend fin, jeudi 18 janvier, jour où il se rendra au Pérou, intervient alors que l’opinion publique du pays est horrifiée par une série de scandales d’agressions sexuelles et de viols qui ont impliqué environ quatre-vingts membres du clergé chilien ces dernières années.

La confiance des Chiliens dans l’Eglise est passée de 61 % en 2010 à 38 % en 2011 après la médiatisation de ces affaires. Le nombre de personnes disant être catholiques est également passé de 65 % à 60 % en à peine un an.