Notre-Dame-des-Landes : 50 ans de conflit résumés en 3 minutes
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Il n’y aura pas d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). L’annonce de l’abandon du projet, mercredi 17 janvier, par le premier ministre, Edouard Philippe, met un coup d’arrêt définitif à un débat vieux de cinquante ans. Mais le choix fait par le gouvernement de préférer un réaménagement de l’aéroport de Nantes-Atlantique laisse de nombreuses questions en suspens.

Que va coûter la rupture de contrat avec Vinci ?

Pour l’heure, on ne sait pas à combien peut se monter la facture. Le contrat fixe de manière assez claire le principe d’une compensation en cas de résiliation pour motif d’intérêt général, dans l’article 81, publié au Journal officiel en 2010.

Les trois médiateurs mandatés par l’Etat à l’automne 2017 avaient estimé que la somme à verser à Vinci pourrait varier de 0 à 350 millions d’euros. De son côté, l’expert financier des opposants au projet, Jean-Marie Ravier, avait estimé à 250 millions d’euros la facture pour l’Etat, en s’appuyant sur les clauses du contrat de concession.

A Matignon, on avance que les négociations devront tenir compte de plusieurs éléments juridiques qui ont des implications financières. S’agit-il d’un « cas de force majeure » qui oblige à l’abandon du projet ? Est-il annulé pour « motif d’intérêt général » ? Les modalités d’entente avec Vinci détermineront la hauteur de la compensation.

Ce qui est sûr, c’est que Vinci est gestionnaire des aéroports actuels de Nantes, de Rennes et de Saint-Nazaire, et que la société va probablement vouloir rester dans le jeu. L’hypothèse d’une compensation financière semble donc moins probable qu’une négociation. C’était déjà la stratégie choisie par l’Etat en 2014 avec la société Ecomouv, après l’abandon du projet d’écotaxe. Plusieurs pistes sont envisageables pour l’Etat, comme l’allongement de la concession accordée à Vinci pour l’aéroport de Nantes-Atlantique, qui risque d’être un enjeu de taille.

L’Etat va-t-il faire des économies en abandonnant le projet de Notre-Dame-des-Landes ?

En mettant de côté ces indemnisations éventuelles avec Vinci, l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes pourrait ne pas être si coûteux pour l’Etat.

Les subventions prévues pour la construction de la tour de contrôle et le raccordement routier à l’aéroport étaient évaluées à 85 millions d’euros pour l’Etat. Les collectivités locales avaient en outre accepté de contribuer à hauteur de 225 millions d’euros le financement du tramway censé desservir le site. Reste à savoir ce que coûtera le réaménagement de l’autre aéroport nantais.

Comment l’aéroport Nantes-Atlantique va-t-il être agrandi et dans quel délai ?

Edouard Philippe a annoncé que, dans « des délais rapides », l’aérogare de Nantes-Atlantique allait être modernisée et que les abords de pistes seraient aménagés afin d’accueillir plus de passagers. On ignore toutefois les détails exacts de ce calendrier gouvernemental.

Dans un second temps, la piste d’atterrissage de l’actuel aéroport nantais devrait être allongée, afin qu’il puisse accueillir neuf millions de passagers par an à l’horizon 2040, tout en diminuant les nuisances sonores, selon le premier ministre. « Si cela n’est techniquement pas possible, [ces nuisances] feront l’objet de compensations exemplaires », a-t-il promis aux riverains.

De leur côté, les médiateurs ont rendu en décembre un rapport dans lequel ils écrivaient qu’une optimisation progressive des aménagements aéroportuaires pourrait se faire à partir de 2020, découpant en trois temps les travaux jusqu’à 2035.

Quel est le budget pour l’aménagement de l’aéroport de Nantes-Atlantique ?

Les chiffres sont à prendre avec des pincettes, tant rien de précis n’a été évoqué dans ce dossier. Les opposants à NDDL estiment ainsi à 45 millions d’euros le coût d’un réaménagement de la plate-forme existante. Les défenseurs de Notre-Dame-des-Landes estiment que ce projet pourrait coûter jusqu’à 340 millions d’euros…

Selon les médiateurs, « la comparaison financière entre les deux options pour l’Etat et les collectivités fait apparaître un écart de l’ordre de 250 millions à 350 millions d’euros en faveur de l’option de Nantes-Atlantique, hors prise en compte d’une éventuelle indemnisation du titulaire du contrat de concession, le cas échéant ».

Pour financer l’aéroport actuel de Nantes, l’Etat devrait pouvoir s’appuyer sur environ 100 millions d’euros récoltés depuis sept ans par l’aviation civile, au titre des taxes réévaluées à la hausse pour financer Notre-Dame-des-Landes. Tout dépendra ensuite de l’importance du réaménagement, des études préparatoires concernant notamment l’allongement de la piste, du temps nécessaire de travaux et de fermeture de l’aéroport. L’agrandissement de Nantes-Atlantique avait ainsi longtemps été écarté des options envisagées en raison notamment de la présence d’une zone naturelle protégée à proximité.

Avant le réaménagement, l’Etat devra dire si Vinci conserve la concession de Nantes-Atlantique, ou s’il lance un nouvel appel d’offres, comme il l’a fait récemment à Toulouse et Nice. Une chose est sûre : les négociations risquent de durer.

Affiche dans la « ZAD » de Notre-Dame-des-Landes, le 16 janvier. | STEPHANE MAHE / REUTERS

Y aura-t-il des conséquences sur le transport breton ?

Le premier ministre a bien annoncé que l’aéroport de Rennes fera aussi l’objet d’un agrandissement pour mieux répartir le trafic aérien en Bretagne – si la région « le souhaite », a ajouté Edouard Philippe.

Ce dernier a par ailleurs précisé vouloir travailler sur « la complémentarité rail et air ». Sans donner davantage de détails, le chef du gouvernement a annoncé que les liaisons à grande vitesse qui relient la région aux aéroports de Paris seront « fluidifiées et multipliées ». La ministre déléguée aux transports, Elisabeth Borne, a été chargée d’étudier dans un délai de six mois les conditions de mise en œuvre de ces différents chantiers.

Quel sort pour les zadistes de Notre-Dame-des-Landes ?

La « zone à défendre » (ZAD), installée sur les 1 650 hectares du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, est occupée depuis 2009. Lors d’un récent repérage, les autorités ont recensé 350 occupants sur le site.

« Les occupants illégaux devront partir d’eux-mêmes d’ici au printemps prochain » et la fin de la trêve hivernale fixée au 31 mars, a annoncé le premier ministre mercredi. Faute de quoi les forces de l’ordre les délogeront. L’Etat appelle également à rendre la libre circulation sur les trois routes qui traversent le site : « les squats qui débordent sur la route devront être évacués, les obstacles, retirés », a dit Edouard Philippe. Le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a précisé que les trois routes devraient être débloquées « d’ici la fin de semaine prochaine ».

Reste à savoir comment réagiront les habitants. Ces derniers demandent notamment à ce que la ZAD reste « un espace d’expérimentation sociale, environnementale et agricole ».

Que vont devenir les terres de Notre-Dame-des-Landes ?

La réallocation des parcelles agricoles s’annonce comme un casse-tête tant les situations sont complexes. L’intégralité de l’emprise foncière consacrée au projet d’aéroport – 1 650 hectares de surfaces déclarées d’utilité publique en 2008 – appartient à l’Etat, à l’exception de trois routes traversant la ZAD, propriétés du département Loire-Atlantique.

Le premier ministre a annoncé qu’il n’était pas question de garder ces terres, vu que le projet d’aéroport ne se fera pas. Les terres vont donc soit revenir aux agriculteurs expropriés en 2012 qui rendront l’argent touché lors de leur cession, soit seront vendues dans le cadre de projets agricoles qui restent à définir. C’est tout l’objet des discussions qui vont avoir lieu avec les zadistes engagés dans des activités agricoles mais qui n’ont aucun titre de propriété.

« Un délai raisonnable de deux ou trois ans doit être accordé », estime Jean-Paul Naud, maire de Notre-Dame-des-Landes opposé au projet, car « il y aura énormément de problèmes à résoudre ».