La décision de la CEDH conforte la stratégie de l’Agence mondiale antidopage, fondée sur la multiplication des contrôles inopinés et hors compétition. / MARC BRAIBANT / AFP

L’Agence mondiale antidopage (AMA) peut souffler : le dispositif de localisation des sportifs, pan essentiel de la stratégie de dissuasion des tricheurs, a été validé ce jeudi par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

L’instance de Strasbourg était amenée à se prononcer sur ce principe en réponse à deux requêtes émanant de sportifs français, des syndicats de sports collectifs, d’une part, et la cycliste Jeannie Longo, d’autre part. Tous estimaient que l’obligation de donner aux acteurs de la lutte contre le dopage leur emploi du temps et un créneau d’une heure par jour pour être contrôlé par surprise constituait une atteinte intolérable à la vie privée, en violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le principe avait été validé par la justice de plusieurs pays, dont la France, et par la justice sportive avec le Tribunal arbitral du sport, mais certains juristes estimaient qu’il serait jugé plus sévèrement par la CEDH. La requête visait l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) mais toute décision aurait pu avoir des conséquences internationales.

« D’une particulière importance »

Dans son jugement, la Cour reconnaît l’impact sur la vie privée mais considère « que les motifs d’intérêt général qui les rendent nécessaires sont d’une particulière importance et justifient les restrictions apportées aux droits accordés par l’article 8 de la Convention ».

« Elle estime que la réduction ou la suppression de ces obligations conduirait à accroître
les dangers du dopage pour la santé des sportifs et celle de toute la communauté sportive et irait à l’encontre de la communauté de vue européenne et internationale sur la nécessité d’opérer des contrôles inopinés pour conduire la lutte antidopage »
, ajoute la CEDH.

Les juges, dont l’arrêt est rendu respectivement sept et quatre ans après le dépôt des deux requêtes, soulignent en particulier deux rôles essentiels de la lutte antidopage : la protection de la santé, notamment des jeunes sportifs amateurs, et la « protection des droits et libertés d’autrui », estimant que la lutte antidopage autorise une compétition plus loyale.

Le consensus des autorités médicales, gouvernementales et internationales sur le danger du dopage et les moyens de lutter contre est aussi mis au crédit de la lutte antidopage.

L’AMA suivait de très près le destin de ces requêtes devant la CEDH. L’instance régulatrice de la lutte antidopage n’avait pas ménagé ses efforts de lobbying pour échapper à une décision qui remettrait en cause, selon elle, l’efficacité de la lutte antidopage.

Signe de son souci de satisfaire au droit européen, l’AMA a fait surveiller la rédaction du dernier code mondial antidopage, entré en vigueur en 2015, par le juge français Jean-Paul Costa, ancien président de la CEDH. Elle continue depuis de faire régulièrement appel à son expertise.

« Après toutes les manœuvres politiques de ces six dernières années, je ne suis absolument pas surpris, a réagi Jean-François Reymond, directeur du syndicat des joueurs de rugby français Provale et à l’origine de la fronde alors qu’il dirigeait celui des basketteurs. Je ne peux que féliciter l’AMA pour son travail de lobbying auprès de la CEDH. »