Le ministre de l’intérieur Gérard Collomb, le premier ministre Edouard Philippe et le ministre de la transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, le 17 janvier, à l’Elysée, lors de l’annonce de l’abandon du projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. / CHARLES PLATIAU / REUTERS

Editorial du « Monde ». L’on ignore si, à leurs moments perdus, le président de la République et le premier ministre pratiquent ce nouveau loisir en vogue que sont les ­« escape games » : ce jeu en équipes consiste à relever quelques défis et à résoudre un certain nombre d’énigmes permettant de trouver la sortie d’un espace clos dans un temps limité. Emmanuel Macron et Edouard Philippe y seraient sans aucun doute performants, si l’on en juge par la manière dont ils viennent de dénouer ­l’invraisemblable pataquès de Notre-Dame-des-Landes.

En effet, cela fait un demi-siècle que ce site a été retenu pour construire un nouvel aéroport régional, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes. Une zone d’aménagement différé (ZAD) a été créée dès 1974 pour l’accueillir. Mis en sommeil, le projet a été relancé en 2000 par le gouvernement Jospin et déclaré d’utilité publique en 2008 par le gouvernement Fillon.

Objet de quelque 180 recours (tous écartés par la justice), soutenu par bon nombre des élus locaux, approuvé à 55 % par les habitants de Loire-Atlantique lors d’une consultation en juin 2016, cet aménagement se heurtait à une opposition virulente : quelques centaines de « zadistes » radicaux qui occupent les lieux depuis des années et des militants écologistes (mais pas seu­lement) qui jugeaient le futur aéroport surdimensionné, excessivement coûteux et nuisible pour l’environnement. Bref, le dossier était dans l’impasse.

Pour en sortir, le gouvernement, premier ministre en tête, a donc tranché, sur la base d’un rapport d’experts qui lui a été remis il y a un mois et après d’intenses consultations avec toutes les parties prenantes. Mercredi 17 janvier, il a annoncé l’abandon du projet Notre-Dame-des-Landes et préconisé le ­développement et la modernisation de l’actuel aéroport de Nantes. Qu’elle relève d’une réelle hésitation ou d’une soigneuse mise en scène, cette décision repose, en tout cas, sur une analyse coûts-bénéfices approfondie.

Coûts politiques

Les coûts possibles sont surtout politiques. Le candidat Macron avait dit, durant la campagne présidentielle, son intention de respecter le résultat de la consultation de 2016. Cela valait approbation du projet de nouvel aéroport. L’abandonner aujourd’hui revient à renier cet engagement et à bafouer la démocratie, martèle donc désormais la droite, trop heureuse de trouver enfin un angle d’attaque contre cet insaisissable président. Et pour faire bon poids, elle ajoute le défaut d’autorité de l’Etat qui a préféré ­capituler devant quelques « zadistes » au détriment de l’intérêt général supposé. Quant aux élus locaux, largement favorables au projet, ils s’insurgent contre le mépris dont ils s’estiment victimes.

A l’inverse, le gouvernement souligne avec énergie, et non sans raison, que sa décision est courageuse, ferme et raisonnable. De fait, contrairement à ce qu’avaient fait ses prédécesseurs depuis des années, il a enfin tranché plutôt que de laisser pourrir davantage encore ce dossier. Il a clairement averti les occupants illégaux du site qu’ils devraient quitter les lieux, appelés à retrouver leur vocation agricole, d’ici au printemps – et cela n’est pas sans risques. Il s’engage enfin à ouvrir rapidement le chantier du développement de l’aéroport existant pour répondre aux besoins de la région et il ne doute pas que, passé leur frustration, les élus locaux s’y associeront.

Sur un terrain aussi miné que le bocage nantais, l’atterrissage était périlleux. Il a été habilement maîtrisé.