A l’issue d’une analyse approfondie, le Défenseur des droits Jacques Toubon recommande au premier ministre Edouard Philippe de retirer la circulaire sur l’hébergement d’urgence, dans une décision rendue vendredi 19 janvier. Cette « circulaire relative à l’examen des situations administratives dans l’hébergement d’urgence », rebaptisée « circulaire Collomb », suscite un profond malaise dans le monde associatif, et au-delà, depuis sa publication le 12 décembre 2017.

La circulaire en question veut réorienter les personnes hébergées selon leur situation administrative, et faire sortir de ce dispositif les personnes étrangères en situation irrégulière à l’issue d’une évaluation effectuée par une équipe mobile de représentants de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) et de la préfecture. L’objectif est à la fois de désengorger le parc d’hébergements en extrayant les sans-papiers et de voir le statut de chacun clarifié.

« Un élément d’une politique d’ensemble »

Face à des associations très hostiles à la mise en œuvre de ce texte, Emmanuel Macron est monté au créneau pour le défendre, mardi 16 janvier à Calais.

Si Jacques Toubon avait lui-même saisi le ministre de l’intérieur Gérard Collomb d’une demande d’explication dès le 13 décembre 2017, il a ensuite été sollicité par une série d’associations sur ce texte qu’elles estimaient contraire au principe de l’hébergement inconditionnel : la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), accompagnés de 26 associations, SOS Racisme et le maire de la commune de Grande-Synthe (Nord).

Sans réponse à sa lettre du 13 décembre, M. Toubon a relancé la Place Beauvau le 22 décembre avant de finalement recevoir une réponse du premier ministre Edouard Philippe lui signifiant que ce texte constituait « un élément d’une politique d’ensemble conduite par le gouvernement ».

M. Toubon, qui a analysé la circulaire en profondeur, observe, lui, qu’elle « se heurte aux principes fondateurs de l’hébergement d’urgence » en organisant « un traitement différencié » de ses résidents en fonction de leur situation administrative.

« Contraire aux règles de confidentialité »

Le Défenseur des droits relève plusieurs points à ses yeux problématiques. Ainsi, si le texte du ministère de l’intérieur pose que l’accueil en centre d’hébergement reste « inconditionnel », il ajoute qu’il peut être « différencié » et doit se concilier avec les obligations légales qui incombent aux personnes étrangères en situation irrégulière sur le territoire français. Deux points qui cassent de fait cette inconditionnalité de principe.

En second lieu, le Défenseur doute de la pertinence de la mise en place d’un suivi de l’OFII dans un parc d’hébergement de droit commun qui accueille des personnes en situation de détresse, quelles que soient leur nationalité et leur situation au regard du séjour, et relève du code de la famille. Ce qui signifie en creux que le Défenseur ne s’oppose en rien à une évaluation des situations des migrants, mais pas dans ces lieux de répit.

Par ailleurs, et c’est le dernier point relevé par le Défenseur, l’intervention des agents de l’OFII au sein de ces structures est envisagée sans cadre légal, estime M. Toubon, et « paraît contraire aux règles de confidentialité qui s’imposent ».

Une autre procédure a été intentée en parallèle par les associations auprès du Conseil d’Etat. L’avocat qui la porte, Me Patrice Spinosi, fait une analyse voisine de celle de Jacques Toubon. Il a d’ailleurs déposé un recours sur le fait que les agents de l’OFII ne sont pas habilités à intervenir dans les centres d’hébergement. L’audience aura lieu le 16 février.