A la Maison Blanche, le 18 janvier. / YURI GRIPAS / REUTERS

Le 20 janvier 2017, Donald Trump devenait le 45e président des Etats-Unis. La première année de son mandat a été marquée notamment par sa volonté de durcir la politique migratoire, par l’enquête sur une possible ingérence russe dans la campagne présidentielle, et par de multiples initiatives en politique étrangère.

Au cours d’un tchat, le correspondant du Monde à Washington, Gilles Paris, a fait le point avec les internautes.

Leym : Bonjour ! Est-il vrai que l’économie américaine va bien et que les mesures économiques de Trump sont efficaces ?

Bonjour, la situation des Etats-Unis est effectivement excellente, comme une bonne partie des économies mondiales. Mais la paternité de ce succès est contestée. Certains économistes l’imputent en grande partie à Obama. D’autres mettent en avant un « effet Trump » (dérégulations, réforme fiscale). La vérité se trouve sans doute entre les deux.

Artiste : Trump a-t-il un électorat stable et fidèle ? Est-ce que, le cas échéant, cette base peut permettre au parti de remporter les élections de mi-mandat ?

Donald Trump dispose du pire niveau d’approbation pour un président au bout d’un an de mandat mais sa base, qu’il entretient avec la même rhétorique incendiaire qu’au cours de sa campagne, reste mobilisée. Les élections partielles qui se succèdent depuis l’automne ne cessent cependant d‘envoyer des messages alarmants. En Virginie, dans l’Alabama et dans le Wisconsin, la mobilisation démocrate l’emporte désormais sur celle des républicains. La posture de Donald Trump, qui ne s’adresse qu’à une partie de l’électorat, est donc à double tranchant.

La totalité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat vont être renouvelés en novembre. Traditionnellement, ces élections sont défavorables au parti en place à la Maison Blanche. Les démocrates doivent gagner 24 sièges pour prendre le contrôle de la Chambre, ce qui paraît pour l’instant plausible.

En revanche, il y a plus de démocrates que de républicains qui remettront leur siège en jeu, dont une dizaine dans des Etats remportés par Donald Trump en 2016, comme le Missouri, la Floride ou le Dakota du Nord. Une bascule du Sénat semble donc peu probable pour l’instant. Le contrôle de la Chambre suffirait aux démocrates pour bloquer l’agenda de Donald Trump, mais ils ne pourraient pas empêcher les nominations, qui sont l’apanage du Sénat.

Si l’économie reste florissante et si Donald Trump apparaît comme le principal facteur de cette bonne santé, les républicains seront en revanche mieux placés.

ConcernedCitizen : Il y a beaucoup de rumeurs concernant l’état mental de Donald Trump, comme quoi il serait mentalement dérangé et narcissique. Que disent les spécialistes ?

Le médecin de la Maison Blanche, Ronny L. Jackson, qui a été auparavant celui de George W. Bush et de Barack Obama, a expliqué le 16 janvier qu’il n’a jamais rien noté de particulier dans sa fréquentation quasi quotidienne du président.

Jules-Arthur : Où en est-on de l’affaire sur l’ingérence russe dans la campagne présidentielle ?

Cette enquête, que la Maison Blanche assurait vouloir voir se conclure avant la fin de l’année dernière, avance sous la direction d’un procureur spécial, Robert Mueller, qui a été en mesure d’empêcher toute fuite majeure, ce qui a pour conséquence que personne, en dehors de son équipe, ne sait avec certitude vers quoi il se dirige et à quelle échéance.

Elle semble arpenter plusieurs pistes : les liens éventuels entre des piratages informatiques imputés à la Russie en 2015 et en 2016 et l’équipe de campagne de Donald Trump, les contacts avec des personnalités liées à Moscou comme lors d’une rencontre avec le fils du président, Donald Trump Jr., en juin 2016, les relations financières passées entre Donald Trump et des entités russes, et enfin l’éventuelle obstruction à la justice qu’a représenté le limogeage de James Comey, en mai 2017, alors directeur du FBI et chargé de cette même enquête.

123 : Quels sont les chantiers de Trump pour sa seconde année ?

La réforme de la couverture santé (Obamacare), gros échec de la première année, est d’un des sujets attendus, comme une éventuelle réforme de l’immigration ou une modernisation des infrastructures américaines. Le « temps utile » de cette deuxième année est cependant compté, puisque les primaires pour les élections de mi-mandat vont débuter d’ici un bon mois et qu’elles ne sont généralement pas propices à la prise de risque.

Au niveau de la politique étrangère, deux dossiers vont rapidement s’imposer. Le premier est le conflit israélo-palestinien, pour lequel un plan américain doit être présenté, dans un contexte difficile compte tenu de la rupture avec les Palestiniens qu’a provoquée la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d’Israël par Donald Trump.

Le second est l’accord sur le nucléaire iranien, un dossier pour lequel le président s’est placé de lui-même en difficulté en se lançant le 12 janvier un ultimatum pour sa réécriture, refusée par les autres signataires. Cet ultimatum expirera dans cent vingt jours. Sur ces deux points, les Etats-Unis sont de surcroît très isolés.

OG : La politique internationale de Trump, ou du moins certaines de ses déclarations, semble brutale et impulsive. Pensez-vous que ce soit irréfléchi ou y a-t-il une véritable stratégie ?

Il faut faire la part entre la communication, la diplomatie Twitter à l’emporte-pièce et les choix stratégiques de cette nouvelle administration, souvent trop rapidement présentée comme isolationniste. Ces derniers partent d’un postulat clair, la primauté absolue des intérêts américains, et s’accompagnent d’un renoncement au « fardeau » qu’implique la réalité de la superpuissance américaine.

Cédric : Trump se vante d’avoir grandement aidé à faire avancer la question sur la Corée du Nord grâce à ses menaces. Est-ce vrai ?

La reprise du dialogue entre Pyongyang et Séoul est sans doute autant la conséquence des pressions américaines que le résultat de la politique d’ouverture du président sud-coréen Moon Jae-in. Washington s’efforce de revendiquer la détente en cours, c’est de bonne guerre, même s’il prend le contre-pied de l’endiguement extrême esquissé auparavant.

Ce dossier est l’un des rares pour lequel le président des Etats-Unis a une stratégie claire : augmenter les pressions sur la Corée du Nord pour parvenir, in fine, à une péninsule sans armes nucléaires. C’est aussi le seul pour lequel il privilégie une approche multilatérale, comme on l’a vu avec les volées de sanctions aux Nations unies.

Marshall : Où en est Trump de la construction du « mur » et de sa relation avec le Mexique ?

Nulle part le « mur » n’existe pour l’instant, ce qui désespère les radicaux anti-immigration et réjouit leurs adversaires, faute d’un financement qui fait l’objet d’un bras de fer au Congrès. Le « mur » a été la signature de la campagne de Donald Trump, au prix d’une dégradation sans précédent de l’image des Etats-Unis au Mexique, accentuée par les attaques contre l’accord de libre-échange qui lie les deux pays et le Canada. Il a aussi dopé un nationalisme mexicain dont on va voir les conséquences lors de la présidentielle de cette année.

Des prototypes de « mur frontalier » à San Diego (Californie), en octobre 2017. / Elliott Spagat / AP

Geoffrey : La politique climatosceptique de Trump pourra-t-elle être rapidement effacée par une éventuelle nouvelle présidence dès 2021 ?

Votre question part de la prémisse que Donald Trump ne se représentera pas, ou bien sera battu, ce qui reste hypothétique ! L’essentiel de la politique climat léguée par Barack Obama reposait sur des décrets présidentiels, faute de soutien du Congrès républicain. Ils peuvent être rétablis aussi facilement qu’ils ont été supprimés. Mais il faut se souvenir que certains d’entre eux avaient fait l’objet de contestations devant la justice ou avaient été bloqués par des juges fédéraux.

Phil : Pensez-vous que le style Trump puisse conduire à une rupture au sein du Parti républicain ?

On ne peut que constater que c’est Donald Trump qui a transformé le Parti républicain, et non l’inverse. Le Grand Old Party a renoncé à certains de ses idéaux – le libre-échange, la rigueur budgétaire – pour une réforme fiscale qui n’a rien de populiste et des nominations massives de conservateurs dans le domaine judiciaire. Une bonne partie des républicains historiques en prennent acte en se retirant de la vie politique, comme on le voit au Congrès.