Le président palestinien Mahmoud Abbas, au Caire le 17 janvier. / Amr Nabil / AP

Un débat agitait la diplomatie européenne avant la visite à Bruxelles, lundi 22 janvier, du président palestinien, Mahmoud Abbas, convié à un déjeuner de travail avec les ministres des affaires étrangères des Vingt-Huit. Cette rencontre intervient après la venue dans la capitale belge du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, le 11 décembre.

La France, soutenue par plusieurs capitales mais pas certaine de convaincre la totalité de ses partenaires, espère envoyer un « signal positif » à M. Abbas en lui promettant la perspective d’un accord d’association avec l’UE. Une mesure symbolique alors que les relations entre les responsables palestiniens et l’administration américaine sont au plus bas : M. Abbas refuse désormais toute médiation américaine avec Israël, après la reconnaissance unilatérale de Jérusalem par l’administration Trump comme capitale d’Israël, le 6 décembre 2017. Washington, en retour, exerce une pression financière : les Etats-Unis ont gelé une partie de leur contribution (65 millions de dollars, soit 53 millions d’euros, sur 350) à l’UNRWA, l’Office des Nations unies pour les réfugiés palestiniens au Proche Orient.

Réticences

Les accords d’association régissent la coopération entre l’Union européenne et des pays tiers dans différents domaines (le commerce, la politique, la sécurité, etc.). Ils sont, en principe, conclus avec des Etats, or la Palestine n’en est pas un aux yeux d’une majorité de pays membres – dont la France. Neuf d’entre eux seulement (Suède, Pologne, République tchèque, Portugal, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Malte et Chypre) l’ont reconnue comme telle. La Palestine dispose d’un statut d’observateur auprès des Nations unies, dont elle n’est pas officiellement membre.

Paris souligne qu’un tel accord a été conclu avec la République du Kosovo, qui n’est pas non plus reconnu par l’ensemble de la communauté internationale. Et ajoute qu’aucun obstacle juridique ne peut entraver ce qui n’est d’ailleurs qu’une ébauche puisque la négociation et l’adoption de telles dispositions nécessitent plusieurs années.

Il n’empêche, la pression exercée par Paris indispose certaines capitales. Londres, notamment, manifeste d’évidentes réticences, même à l’égard d’une simple déclaration. La Grande-Bretagne pourrait être appuyée par des pays comme la Pologne, la Hongrie ou la République tchèque qui se sont abstenus aux Nations unies, le 21 décembre, lors du vote de la résolution condamnant la reconnaissance par Washington de Jérusalem comme capitale d’Israël.

D’autres pays jugent, en revanche, « plus qu’intéressante », selon un diplomate, l’initiative française. « Il faut adresser un signal à Abbas pour mieux appuyer nos demandes », ajoute cette source. Parmi celles-ci, la nécessité pour l’Autorité palestinienne d’améliorer sa gestion, d’affirmer son autorité et de « reprendre pied » à Gaza. Mais aussi de ne pas rompre tous les ponts avec Washington, quels que soient ses griefs et ses critiques à l’égard de M. Trump.

Après la polémique sur le budget de l’UNWRA et les reproches du président républicain, qui accuse l’Autorité palestinienne de refuser la négociation avec Israël, M. Abbas a menacé de ne plus reconnaître les Etats-Unis comme médiateurs. « On demandera à Abbas de ne pas claquer la porte, et de nous aider à l’aider », poursuit un diplomate.

« Ramener Abbas à la raison »

En clair, il s’agirait d’éviter que le dirigeant palestinien quitte une nouvelle fois Bruxelles avec de simples promesses et l’assurance, un peu vaine, que les Vingt-Huit continuent de défendre l’idée d’une solution à deux Etats. D’autant qu’il devrait surtout réclamer une augmentation de la contribution de l’UE à l’UNWRA et poser la question d’une reconnaissance, par l’ensemble de l’UE, de l’Etat palestinien. C’est parce qu’une réponse collective sur ce dernier point ne peut pas lui être apportée, faute d’unité européenne, que Paris a imaginé l’hypothèse d’un accord d’association.

S’il réclame davantage d’argent, le président se verra surtout rappeler que l’Union octroie chaque année 300 millions d’euros à l’Autorité palestinienne, un montant qu’elle soumet actuellement à un examen pour voir s’il peut être augmenté mais, surtout, s’il est correctement utilisé.

La volonté de la France de jouer un rôle-clé dans ce dossier est, en tout cas, confirmée par la presse israélienne, qui a rapporté qu’Aurélien Lechevallier, un conseiller d’Emmanuel Macron, avait été dépêché auprès de la direction palestinienne pour essayer de calmer sa fureur antiaméricaine. Paris nie agir à la demande de Washington : certaines sources évoquent la nécessité de « ramener Abbas à la raison » et une « continuité » dans les contacts noués par M. Macron depuis la visite de M. Abbas à Paris, le 22 décembre, puis la réception d’une délégation du Fatah, le 5 janvier.