L’usine Toyota Valenciennes à Onnaing (Nord), le 12 décembre 2017. / FRANCOIS LO PRESTI / AFP

La rumeur enflait depuis plusieurs heures, vendredi 19 janvier, dans l’usine de Toyota à Onnaing (Nord), près de Valenciennes. « La présence de nombreux policiers venus inspecter les abords de l’usine ainsi que les lignes nous avait mis la puce à l’oreille », témoigne Eric Pecqueur, délégué CGT du site.

Le constat des salariés est venu accréditer l’information qui, vendredi soir, faisait la « une » des sites Internet de plusieurs médias régionaux : le président Emmanuel Macron devrait se rendre, lundi 22 janvier, à Toyota-Onnaing pour annoncer que le géant japonais investira 400 millions d’euros dans l’usine. Ni l’Elysée ni Toyota France, contactés par Le Monde, n’ont confirmé la venue du chef de l’Etat, mais, sur place, personne n’en doute : « il » arrive.

Un montant aussi massif que rare

Dans l’entourage du président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, aucune invitation n’a été reçue, aucun protocole n’a été prévu. « Mais le président de la République prévient régulièrement à la dernière minute », glisse-t-on. Alors tout le monde se tient prêt.

Il faut dire que le montant de l’investissement prévu par l’entreprise japonaise est aussi massif que rare dans les usines automobiles françaises. Le chiffre de 400 millions d’euros révélé par Les Echos, vendredi, a été confirmé au Monde par des sources locales.

Concrètement, le site nordiste de Toyota va accueillir 700 nouveaux salariés (pour un peu moins de 3 900 CDI et intérimaires actuellement) pour permettre la production d’un nouveau véhicule, en plus de celle de la Yaris. Toyota souhaite en effet lancer, dès 2020, la fabrication de 300 000 citadines compactes (dites « du segment B », comme la Renault Clio, par exemple) contre 230 000 actuellement.

Attractivité française

Luciano Biondo, président de Toyota Motor Manufacturing France (TMMF), avait évoqué ce dossier fin juin à l’occasion de la pose de la première pierre de la future concession Toyota de l’avenue Pompidou, à l’entrée de Valenciennes. Quelques semaines plus tard, un accord d’entreprise était signé à l’usine d’Onnaing entre la direction et quatre organisations syndicales. Il prévoyait, dès le 1er janvier, une modulation du temps de travail en fonction des flux d’activité et l’embauche de 300 salariés supplémentaires. Mais le président de Toyota France attendait le feu vert du siège du groupe nippon pour confirmer la localisation de cette nouvelle unité dans le nord de la France.

Avec cette décision, Toyota vient consolider sa position d’industriel majeur de l’automobile en France. La Yaris était déjà en 2017 la voiture la plus produite sur le territoire national avec 233 650 véhicules assemblés sur les lignes de l’usine d’Onnaing, talonnée par la Peugeot 3008 (218 000 voitures produites en 2017), selon le cabinet Inovev. La Yaris est aussi l’une des voitures « françaises » les plus exportées, puisque ses ventes dans l’Hexagone ont culminé l’an dernier à 31 400 véhicules, soit 13 % de la production, les 87 % restants étant écoulés dans le reste de l’Europe.

L’implication depuis vingt ans du géant japonais dans le Nord (trois millions de véhicules ont été produits à Toyota Onnaing depuis 1999) est un parfait symbole pour M. Macron, qui recevra à Versailles, lundi 22 janvier, 140 PDG étrangers pour un sommet sur l’attractivité de la France. Lors de cet événement, quatre ou cinq accords d’investissement devaient être annoncés, a précisé l’Elysée vendredi 19 janvier.

« Un pari sur l’avenir »

De son côté, le président des Hauts-de-France annonce que la région mettra 11 millions dans ce projet. « Le véritable enjeu, c’est la question de la compétitivité économique, confie M. Bertrand. Il fallait que l’on montre que, malgré des inconvénients fiscaux par rapport à d’autres lieux où Toyota aurait pu investir, nous nous engageons. »

Présent sur tous les gros dossiers industriels de la région, M. Bertrand souhaite que les Hauts-de-France demeurent l’une des premières régions d’Europe en production automobile. D’où l’investissement important de la région, mais aussi de la communauté d’agglomération Valenciennes Métropole, qui va annoncer une enveloppe de 5 millions d’euros. « C’est un pari sur l’avenir, ajoute l’élu. Et je le ferai aussi pour PSA et MCA (Renault) à Maubeuge ». A l’inverse, M. Macron ne devrait pas annoncer plus de 4 millions d’euros directement apportés par l’Etat.

Le cas d’Ascoval

L’Etat est, par ailleurs, attendu de pied ferme dans le Valenciennois par les salariés d’Ascoval, l’aciérie de Saint-Saulve (Nord) détenue par Ascometal et Vallourec, que M. Macron, alors ministre de l’économie, avait promis de sauver quand il était venu chez Vallourec en 2015. Parmi les offres de reprise du sidérurgiste Ascometal, déposées vendredi 19 janvier, seul l’anglo-indien Liberty House, soutenu financièrement – à hauteur de 80 millions d’euros – par les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Grand-Est et Hauts-de-France et par Vallourec, a proposé de reprendre l’ensemble des sites et des employés.

M. Bertrand, qui regrette qu’il n’y ait pas de ministère de l’industrie, a entamé un nouveau bras de fer avec le gouvernement pour qu’il s’engage sur ce dossier. « Sinon, c’en est fini pour les salariés », craint-il.