Vincent Gérard a réalisé une performance de haute volée face à la Suède. / MARKO DJURICA / REUTERS

« Oh la la ! » On joue à peine depuis quelques minutes que le speaker de la Zagreb Arena égare déjà ses mots face à la performance de Vincent Gérard. Auteur de 19 arrêts, dont une série de dix d’affilée en début de rencontre, le gardien de l’équipe de France de handball a porté les Experts vers la victoire, samedi 20 janvier, face à la Suède. Vainqueurs d’un match où les défenses ont pris le pas sur l’attaque (23-17) et toujours invaincus dans la compétition, les Bleus ont un pied et demi en demi-finale.

« Je suis toujours humain », plaisantait après la rencontre un Vincent Gérard soupçonné de performance « extraterrestre ». « Mais je suis très content parce qu’on avait beaucoup bossé avant ce match, notamment en défense. Et ça montre que quand on travaille, ça marche, donc c’est toujours plaisant. » « On a eu la chance d’avoir un Vincent Gérard stratosphérique », a renchéri un Didier Dinart satisfait. Le sélectionneur des Bleus s’est félicité de la « défense imperméable » ayant « repoussé ces Suédois dans leurs derniers retranchements, jusqu’à les faire douter. »

Forcé de composer avec une hécatombe de blessures au poste d’arrière-gauche, celui qui était surnommé « le Roc » du temps où il était patron de la défense française a mis en place une défense à cinq, avec un joueur sorti pour gêner la mise en place de l’attaque suédoise.

Partie cadenassée « à l’ancienne »

Si la défense des Bleus a une nouvelle fois fait ses preuves, face à une équipe vantée pour ses talents offensifs, l’attaque française s’est brisée à de nombreuses reprises face au gardien suédois, Mikael Appergren. Le maître des cages scandinaves n’a pas réédité ses dix-neuf arrêts du match précédent, mais il a considérablement gêné les offensives des Bleus, arrêtant plusieurs contre-attaques en un contre un. « On est tombés sur un Appelgren des grands soirs, reconnaissait Valentin Porte après la rencontre, et heureusement que Vincent nous a mis en confiance d’entrée ». Muet en première période, l’arrière-droit montpellierain s’est repris en seconde, parvenant enfin à tromper la vigilance de la muraille suédoise.

Au terme d’une partie cadenassée, « à l’ancienne », selon le sélectionneur français qui en a disputé son lot, les Bleus ont puisé dans leur large effectif pour creuser l’écart final. Car à la mi-temps, en dépit d’« un Vincent Gérard en chaleur » (les mots sont ceux de son capitaine, Cédric Sorhaindo), ils ne menaient que de deux buts (10-8), et restaient à portée de fusil des Suédois. « Quand t’as l’impression de bien défendre et qu’à la mi-temps, tu n’es qu’à plus deux ; qu’ils reviennent à égalité à la 40e, il suffit qu’ils trouvent la solution, la clé, ou qu’un joueur ait la lumière soudainement, et ça peut vite tourner, soulignait le gardien, héros du match, après le coup de sifflet final. Mais on a continué à défendre, et ils ont craqué défensivement. »

Jamais les coéquipiers d’un Michaël Guigou au four et au moulin n’ont laissé le doute prendre le dessus. Pas même lorsque Luka Karabatic, de retour dans le groupe après une blessure à la cheville, a écopé d’un carton rouge pour un coup au visage trois minutes à peine après son entrée en jeu. « On a été rassurés constamment par notre défense ou la prestation de Vincent, racontait l’ailier gauche des Bleus. Dès qu’ils avaient la possibilité de revenir, on arrivait à mettre un but de plus, ou à faire la défense ou l’arrêt de plus, donc ça a été très compliqué pour eux. On a été forts dans nos têtes par rapport à ce match très particulier. »

Les seize joueurs français ont foulé le terrain

Au point de créer l’écart final en puisant dans le banc. N’ayant que peu joué jusque-là (voire disputant leur premier match de l’Euro), Nicolas Claire, Nicolas Tombat et Romain Lagarde ont chacun apporté leur écot. Le demi-centre de Nantes se permettant même un « coast to coast » que n’auraient pas dédaigné certains basketteurs NBA, remontant le terrain en zigzaguant parmi la défense avant de tromper le gardien d’un tir imparable. Cette richesse de l’effectif, « c’est ce qui a changé en équipe de France », analysait son capitaine, Cédric Sorhaindo. « Personne n’aurait imaginé voir des cadres sur le banc dans les quinze dernières minutes, mais comme le répète le coach depuis le début de la compétition, il n’y a plus de remplaçants. Il y a seize joueurs et chacun doit être prêt à chaque moment. » Et samedi, les seize joueurs ont foulé le terrain, répondant présent.

En raison de la victoire de la Croatie face à la Norvège (32-28), les Bleus ne sont mathématiquement pas encore assurés de disputer les demi-finales de la compétition. Mais ils ont fait une bonne partie du chemin. Avec six points, et un Vincent Gérard auteur d’après Cédric Sorhaindo d’« un match à la Thierry Omeyer », le mythe qu’il remplace dans les cages des Bleus, les Français peuvent envisager la suite de la compétition avec sérénité. « Avec dix-sept buts encaissés, on peut voyager loin », conclut Valentin Porte.