Série sur Canal+ à 21 h 05

François Morel incarne Michel Vidal, figure de la gauche de la gauche dans « Baron noir ». / JEAN-CLAUDE LOTHER / KWAI / CANAL+

Le pari était risqué. Après le succès de la première saison de Baron noir, les deux scénaristes, Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon, relèvent le défi d’un deuxième opus. Celui-ci se révèle, une nouvelle fois, très pertinent. En huit épisodes, ils ont réussi à mêler habilement fiction et réalité politique, les deux se télescopant de manière spectaculaire. Dans leur tâche, ils ont été aidés par une étonnante année électorale qui a bouleversé les codes politiques, avec le naufrage des grands partis, les scandales en tout genre, les trahisons et la mise à la retraite de toute une ­génération de dirigeants.

Du pain bénit pour les deux auteurs, qui poursuivent leur plongée dans les coulisses nauséabondes, les secrets de palais et les jeux de pouvoir du Parti socialiste. Un PS dont la survie ne tient qu’à Philippe Rickwaert (Kad ­Merad, au sommet de son art), ­ex-député de Dunkerque tout juste sorti de prison pour une affaire de corruption. Un « baron noir » ­déguisé en grand marionnettiste qui, dans l’ombre, tire les ficelles du jeu politique dans l’attente de son procès. Pour « sauver la République », menacée par l’extrême droite et le terrorisme religieux, il va entraîner Amélie Dorendeu (intrigante Anna Mouglalis) – première femme élue présidente de la République – dans une périlleuse stratégie d’alliances qui va provoquer une grave crise institutionnelle.

BARON NOIR Saison 2 Bande Annonce ✩ Kad Merad, Série Française (2018)
Durée : 00:39

Casting impeccable

Imaginé en janvier 2016, dans une France post-Charlie et post-Bataclan, le scénario a été réécrit et remanié maintes fois, notamment avec l’entrée en scène d’Emmanuel Macron dans la course à la présidentielle. « Au début, nous n’avons jamais cru à son succès, et nous avons écrit en conséquence », expliquent les deux auteurs. Mais la confusion s’est installée petit à petit, avec la percée de ­l’ancien conseiller de François Hollande, puis le renoncement de ce dernier et, enfin, l’élection de François Fillon et de Benoît ­Hamon aux primaires de la droite et de la gauche. Un séisme politique qui a changé les plans du ­scénario. « Tous les matins, en arrivant dans la salle d’écriture, nous n’avions aucune idée de ce qui ­allait se passer », se souvient Erik Benzekri, longtemps militant du PS aux ­côtés de Julien Dray et de Jean-Luc Mélenchon, et qui sait pertinemment que la vie politique « est plus violente dans la réalité que dans la fiction ».

Kad Merad et Anna Mouglalis. / CANAL+

Forts de ce constat, les scénaristes ont travaillé sur les personnages, particulièrement celui de Philippe Rickwaert, figure politique « à l’ancienne », sorte de petit Tony Soprano vivant perpétuel­lement dans l’urgence. Perdant ­magnifique, il ne survit que grâce à son instinct dialectique et à son intelligence politique. Les mots sont sa seule arme pour lutter contre la crise politique et per­sonnelle qu’il traverse. Une crise où « l’ancien meurt et le nouveau ne peut pas naître », comme l’écrivait le philosophe italien Antonio Gramsci dans ses Cahiers de ­ prison (1929-1935), ajoutant que « pendant cet inter-règne, on observe les phénomènes morbides les plus variés ».

Le casting de cette deuxième saison est impeccable. François Morel incarne Michel Vidal, ­ figure de la gauche de la gauche que Jean-Luc Mélenchon ne ­renierait pas. Pascal Elbé joue un centriste aux traits de François Bayrou et Patrick Mille, ici président du Front national, est le versant masculin de Marine Le Pen. « Notre ­série n’est pas cynique, ce sont nos personnages qui le sont. Et s’il n’y a plus de politique, il n’y a que de la barbarie », dit Eric ­Benzekri qui, avec Jean-Baptiste Delafon, a déjà commencé l’écriture de la troisième saison.

Baron noir, de Ziad Doueiri. Avec Kad Merad, Anna Mouglalis, Hugo Becker, Pascal Elbé (Fr, 2017, 8 × 52 min).