Le gouvernement reste ouvert sur la question constitutionnelle, ont estimé lundi les dirigeants corses à l’issue d’une réunion avec Edouard Philippe à Matignon, de laquelle ils sont toutefois sortis sans réponse précise à leurs revendications. / POOL / REUTERS

Reçus par Edouard Philippe pour une « prise de contact » après leur large victoire aux élections territoriales, les dirigeants nationalistes corses Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni ont déclaré, lundi 22 janvier, attendre qu’Emmanuel Macron « donne le la » lors de sa visite début février sur l’île de Beauté.

Le déplacement du chef de l’Etat, prévu le 6 février à l’occasion du 20e anniversaire de l’assassinat du préfet Erignac, sera « très certainement » l’occasion pour M. Macron « de s’exprimer et de donner le la sur ce que sera la position, non seulement du gouvernement, mais de l’Etat » sur la Corse, a déclaré M. Simeoni à la sortie de leur entretien avec le premier ministre à Matignon.

La visite présidentielle devrait ainsi être plus longue que la seule journée du 6 février et « donner lieu à une séquence politique en plus de la séquence mémorielle » de l’hommage à Claude Erignac, a-t-il estimé. De son côté, l’Elysée n’a pas fait de commentaires.

« Un point d’étape »

Quant à la rencontre de plus de deux heures avec le premier ministre, c’était « un point d’étape », selon M. Simeoni, qui a permis de faire état des revendications du camp nationaliste mais n’a pas débouché sur un changement de position du gouvernement.

Les élus nationalistes veulent mettre sur la table leurs « points fondamentaux » historiquement rejetés à Paris : coofficialité de la langue corse avec le français, statut de résident corse permettant de protéger les insulaires de la spéculation immobilière, amnistie des prisonniers dits « politiques », reconnaissance de la Corse, voire du « peuple corse » dans la Constitution, statut d’autonomie « de plein droit » de l’île de Beauté...

« Le premier ministre a enregistré ces positions » mais « le gouvernement n’est pas allé plus loin dans la prise en compte de nos demandes et revendications, ce qui peut représenter une forme de déception », a souligné M. Simeoni.

Sur la question constitutionnelle, « la porte n’a pas été fermée concernant notre demande forte de l’inscription d’une reconnaissance de la spécificité de la Corse », selon l’élu corse. L’exécutif veut que la naissance de la collectivité de Corse, et l’accompagnement de ses compétences, soit le premier sujet.

« Proposition de méthode »

Selon Matignon, le premier ministre a émis « une proposition de méthode » : d’une part, une proposition sur l’investissement et le développement alors que le programme exceptionnel d’investissement touche à sa fin à la fin de l’année. Et d’autre part, « une offre d’ingénierie », c’est-à-dire une mobilisation des services de l’Etat pour apporter de l’expertise à la nouvelle collectivité.

C’était le premier rendez-vous avec le premier ministre depuis l’écrasante victoire de la liste commune nationaliste Pè a Corsica (« pour la Corse ») aux élections territoriales de décembre, avec 56,5 % des suffrages.

Reçus au Sénat et à l’Assemblée nationale

La visite sur l’île le 5 janvier de la ministre Jacqueline Gourault, désignée « Madame Corse » du gouvernement, avait donné lieu à un dialogue qualifié de « constructif » de part et d’autre.

Si elle avait repoussé clairement certaines revendications, comme la coofficialité, la ministre MoDem avait fait un pas, en indiquant que le projet de réforme constitutionnelle pourrait « débloquer un certain nombre de sujets concernant la Corse », citant notamment la question foncière, la loi littoral, la gestion des déchets, via l’extension du droit d’expérimentation des collectivités. De nouveaux rapprochements de certains prisonniers corses dans l’île sont également envisageables, au cas par cas, avait-elle dit.

MM. Simeoni et Talamoni doivent également être reçus mardi après-midi par le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), et mercredi par celui de l’Assemblée nationale, François de Rugy (LREM), deux acteurs clés de la future réforme constitutionnelle.