La ministre de la justice, Nicole Belloubet, se retrouve en première ligne alors que le mouvement de protestation des surveillants pénitentiaires se durcit avec des risques de dérapages. Sur le terrain, les blocages de prisons ont repris de plus belle dès la première heure lundi 22 janvier tandis que la garde des sceaux devait recevoir séparément les trois organisations syndicales dans l’après-midi.

Selon un point fait par l’administration pénitentiaire lundi à 9 h 30, quinze prisons dont Fleury-Mérogis, la plus grande, et d’autres centres importants comme Lille-Sequedin, Amiens ou Villefranche, étaient affectés par des « dépôts de clés » des surveillants. Autrement dit, aucun détenu ne sortira de sa cellule dans la journée, sauf intervention de la police ou des équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) de l’administration pénitentiaire. Au cours de la première semaine du mouvement des surveillants, un seul établissement avait connu un « dépôt de clés ».

Par ailleurs, près de quarante prisons étaient touchées lundi matin par des opérations de blocage, ayant empêché les équipes de jour de prendre leur service à 6 h 45. Des interventions de la police ou de la gendarmerie étaient prévues pour débloquer certains établissements. Au total, les deux tiers des 188 établissements étaient touchés à des degrés divers.

Statuts et rémunérations

Onze jours après l’agression de trois surveillants à la prison de Vendin-le-Vieil, les revendications sont également montées d’un cran. L’UFAP-UNSA, premier syndicat de surveillants (environ 40 % des voix aux élections), et la CGT, troisième (15 %), avaient chacun fait un pas pour élaborer une plate-forme commune de revendications lundi 15 janvier. Après le rejet samedi 20 janvier du projet de relevé de conclusions proposé par l’administration pénitentiaire, ils avancent de nouveau chacun de leur côté, le premier mettant davantage la pression sur les questions de sécurité et le second sur les questions statutaires.

« J’ai peur que le mouvement parte en cacahuètes, avec des violences », explique aujourd’hui Jean-François Forget, secrétaire général de l’UFAP-UNSA, débordé par le terrain. Il avait accueilli favorablement le projet d’accord proposé samedi, prévoyant notamment la création de 1 100 emplois supplémentaires de surveillants en quatre ans.

Le pari de FO Pénitentiaire de refuser de participer à la plate-forme commune, et donc aux négociations, sous prétexte qu’elles n’abordaient que les questions de sécurité et d’effectifs, a été payant. Non seulement le conflit redouble, mais l’ensemble des organisations syndicales réclame désormais de mettre sur la table la question des statuts et de la rémunération des 26 000 surveillants. Matignon va devoir s’impliquer au côté de Nicole Belloubet dans des discussions dont les conséquences seront nécessairement budgétaires.

Le fait que plusieurs agressions de surveillants par des personnes détenues soient survenues pendant le conflit a eu un effet catalyseur. Après Mont-de-Marsan et Tarascon, l’agression à la prison de Borgo (Corse) vendredi 19 janvier s’est avérée très grave. Deux surveillants ont été blessés, dont l’un grièvement, à coups de couteau, par un condamné de droit commun ayant été repéré comme radicalisé.

« Les attentes ne sont plus les mêmes qu’il y a une semaine », souligne Christopher Dorangeville, secrétaire général de la CGT Pénitentiaire. Le syndicat FO Pénitentiaire, qui appelait depuis huit jours à des actions de blocages plus dures, s’est officiellement « félicité » de l’échec des négociations et qu’« enfin l’UFAP et la CGT entendent la colère des personnels ». Cette concurrence entre syndicats s’exacerbe alors que les élections professionnelles prévues à la fin de 2018 sont en ligne de mire. L’UFAP accuse FO de jeter de l’huile sur le feu de façon irresponsable.

Le mouvement porte des risques de dérapage. D’abord entre les forces de l’ordre et les manifestants qui empêchent les agents de regagner leurs postes. Ensuite en détention. Dans un contexte de surpopulation carcérale, la réduction des temps de promenades, de l’accès aux activités et au parloir avec les familles, voire leur suppression, est génératrice de tensions supplémentaires.