Lassana Diarra, sous les couleurs de l’Olympique de Marseille, en octobre 2015. / THOMAS SAMSON / AFP

Il avait officiellement renoncé au football de haut niveau, rêvant des « Etats-Unis » et s’offrant une ultime et lucrative escapade au « Moyen-Orient ». Le revoici, à 32 ans, sur le devant de la scène européenne. Après avoir résilié son contrat avec le club d’Al-Jazira (Emirats arabes unis), en décembre 2017, Lassana Diarra est la première recrue du Paris-Saint-Germain lors du mercato hivernal. Mardi 23 janvier, après avoir passé sa visite médicale, le milieu international français (34 sélections de 2007 à 2016) s’est librement engagé pour dix-huit mois, soit jusqu’à juin 2019, avec le club de la capitale, propriété du fonds Qatar Sports Investments. C’est le dixième point de chute de sa carrière, qu’on pensait à son crépuscule.

Malgré un temps de jeu famélique (6 matchs) en 2017, celui qu’on surnomme « Lass » a séduit les dirigeants du PSG, désireux de trouver une doublure au vétéran (35 ans) italo-brésilien Thiago Motta, l’habituelle « sentinelle », miné cette saison par les blessures. Le recrutement du gamin de Belleville (20earrondissement de Paris) interpelle. Depuis novembre, le globe-trotter n’a plus disputé le moindre match et, malgré son CV éloquent (Chelsea, Arsenal, Réal Madrid), une myriade d’interrogations entourent sa fraîcheur physique.

Selon L’Equipe, c’est l’agent Moussa Sissoko, impresario du prodige français Ousmane Dembélé et régulièrement en visite dans le golfe Persique, qui aurait soufflé le patronyme de Diarra à l’oreille du Portugais Antero Henrique, le directeur sportif du PSG. Délicates, les tractations ont débouché sur un accord. D’autant que l’entraîneur parisien Unai Emery, passé sur les bancs de Valence et du FC Séville, est un fervent admirateur de l’ex-joueur madrilène, réputé pour sa science tactique, son volume et son intelligence de jeu.

Une carrière décousue

Depuis son départ du Real, en 2012, le petit milieu (1,73 mètre) à la barbiche soigneusement entretenue traverse une période chaotique. Au gré de ses déboires et tribulations, le Parisien s’est forgé l’image d’un phénix capable de claquer la porte pour mieux renaître de ses cendres ailleurs, d’un joueur discret et énigmatique, dont la carrière en clubs comme en sélection s’avère décousue, voire labyrinthique.

A 27 ans, Lassana Diarra estomaque les observateurs en quittant Madrid pour rallier l’Anji Makhatchkala, club russe tout juste racheté par le milliardaire daghestanais Suleyman Kerimov. « Je ne vais pas vous raconter des histoires et vous dire que je suis parti en Russie pour découvrir Saint-Pétersbourg et tout. Et je ne vais pas le cacher, financièrement, oui, j’avais un beau contrat, confiait-il au Monde, en mai 2016. Mais si vous regardez, j’ai toujours très bien gagné ma vie depuis tout jeune. A l’Anji, au Real, à l’OM. Je n’étais pas en vacances en Russie, même si les gens étaient un peu sceptiques. » L’expérience à l’Anji tournera court rapidement pour des raisons budgétaires.

S’ensuit une période critique avec quinze mois de chômage technique à la clé. En conflit pour licenciement abusif avec son ancien club du Lokomotiv Moscou (2013-2014), le joueur n’avait pu s’engager avec l’Inter Milan ou West Ham en raison du refus de la Fédération internationale de football (FIFA) d’entériner ses contrats. Dans le cadre de cette procédure, le joueur a été condamné en mai 2016 par le Tribunal arbitral du sport (TAS) à verser 10 millions d’euros à son ex-employeur. Une somme dont il assure, en mars 2017, s’être acquitté « tout seul, comme un grand ». Le joueur avait par ailleurs réclamé, devant la justice belge, 6 millions d’euros à la FIFA et à la fédération belge pour son transfert avorté vers l’équipe de Charleroi en février 2015.

« Je ne souhaite à personne d’avoir des problèmes avec la FIFA, le TAS, parce qu’on ne peut rien faire au final. J’ai été licencié. On m’a interdit de jouer. On me prend de l’argent, on m’en réclame. C’est une prise en otage, c’est du racket, appelez ça comme vous voulez », développait-il dans nos colonnes, lors de son passage à l’Olympique de Marseille (2015-2016). Véritable tremplin, cette parenthèse phocéenne a permis au trentenaire de rééditer ses performances passées et de réintégrer l’équipe de France, sur laquelle il avait fait une croix, en 2013. Soit trois ans après son forfait pour le Mondial sud-africain en raison d’une maladie génétique (la drépanocytose).

Un joueur frappé par la déveine

Couvé par le sélectionneur Didier Deschamps, Lassana Diarra est frappé par le malheur lorsque, le 13 novembre 2015, au terme d’un match amical contre l’Allemagne, il ­apprend le décès de sa cousine, tombée rue Bichat, dans le 10e arrondissement de Paris, lors des attentats qui ont ensanglanté les rues de Paris. Quatre jours plus tard, il décide malgré tout de jouer, à Wembley, contre l’Angleterre.

Alors qu’on l’annonce comme l’un des tauliers des Bleus à l’Euro 2016, Diarra, touché au genou, déclare forfait quelques instants avant l’envoi de la liste définitive de Didier Deschamps à l’Union des associations européennes de football (UEFA). Selon la Fédération française de football (FFF), le joueur aurait conseillé au sélectionneur de ne pas le retenir. Depuis ce coup du sort, « Lass » a quitté l’OM par la petite porte et n’a plus remis les pieds en sélection, désormais richement dotée dans son secteur de jeu (N’Golo Kanté, Paul Pogba, Adrien Rabiot, Corentin Tolisso, Blaise Matuidi).

Son retour au premier plan lui permettra-t-il de réincorporer le wagon tricolore dans l’optique du Mondial 2018, en Russie ? Ce n’est guère la préoccupation première du joueur, connu pour son stoïcisme et son recul sur le microcosme du foot professionnel. Au PSG, qu’apportera-t-il à Neymar et consorts dans leur quête d’un titre en Ligue des champions ? En recrutant l’ex-Merengue, les dirigeants parisiens ont clairement fait le pari de l’expérience alors que leur objectif minimal est d’atteindre les demi-finales du tournoi. Une performance jamais réalisée depuis le rachat du club par QSI.

A l’instar des chevronnés brésiliens Daniel Alves (34 ans) ou Thiago Silva (33 ans), le Français pourrait prodiguer ses conseils à la jeune garde incarnée par Giovani Lo Celso (21 ans), Adrien Rabiot et Presnel Kimpembe (22 ans). Le 14 février, lors des huitièmes de finale aller de l’épreuve, Lassana Diarra évoluera en terrain connu à Santiago-Bernabeu, dans l’antre du Real Madrid. Si d’aventure il retrouvait ses jambes d’antan, le milieu international français serait un atout pour l’armada d’Unai Emery. En attendant les grands débuts du trentenaire au PSG, le conditionnel reste toutefois de mise.