La tour Majunga, nouveau siège du cabinet d’audit et de conseil Deloitte à la Défense, où les salariés bénéficient de divers points de restauration, d’une salle de sport, d’une une salle de sieste ou encore d’une e-conciergerie proposant tout type de  prestations. / DELOITTE

Et si demain les bureaux occupaient moins de place dans la ville ? On connaissait l’open space, voici maintenant le « flex office ». Cette organisation qui prône la disparition des bureaux attitrés au profit d’espaces diversifiés a le vent en poupe. De plus en plus de sociétés, telles Danone, L’Oréal, Sanofi, pour ne citer qu’elles, conçoivent leurs bureaux sur ce modèle. Objectif ? S’adapter à la digitalisation de l’entreprise, favoriser les modes de travail collaboratifs, réduire les coûts immobiliers… Et surtout séduire une nouvelle génération de diplômés, ces millennials « digital natives » que l’on dit hyperconnectés, et très soucieux de leur bien être au travail.

« De plus en plus, l’environnement de travail devient un élément clé dans le choix d’un stage et d’un premier emploi. Les jeunes diplômés aujourd’hui veulent savoir si cet environnement leur permettra d’être le plus productif possible, et s’ils seront bien évalués, non pas tant sur leurs heures de présence dans l’entreprise, mais sur leur contribution », observe Guillaume Saintagne, chargée du recrutement et de la marque employeur chez Ubisoft en France.

Bien qu’ayant pris le parti d’aménager ses espaces de travail en open space, cette société de conception de jeux vidéo conserve encore, sur ses huit sites de Montreuil, autant de postes de travail que de salariés. Mais les collaborateurs bénéficient d’une grande flexibilité dans leurs horaires de travail. Ils n’ont plus de téléphone fixe, juste un ordinateur portable depuis lequel ils peuvent téléphoner, et ils organisent leurs temps comme ils le souhaitent : libre à eux de quitter l’entreprise à 17 heures pour aller chercher leur enfant en bas âge ou de rester travailler chez eux une journée entière.

« Le flex office est un vrai facteur d’attractivité pour les millennials, insiste Guillaume Saintagne. Beaucoup plus connectés que les générations précédentes, il est beaucoup plus naturel pour eux de travailler à distance. L’objectif pour nous est de générer dans l’entreprise un environnement de travail où ils se sentent à l’aise et en confiance pour s’organiser comme bon leur semble et être le plus performant possible. »

Lorsqu’ils sont présents au bureau, rien ne leur interdit de faire une pause, ou d’organiser une réunion impromptue avec quelques collègues en se lovant dans les poufs et sofas des espaces conviviaux informels aménagés à chaque étage, avec machine à boisson et grande corbeilles de fruits. Ou même d’aller un moment jouer au baby-foot ou sur une console, au sein de la cafétéria, vaste espace orné d’un grand mur végétal et proposant une palette de jeux. Le divertissement n’est plus antagonique au bon accomplissement des tâches.

Un des espaces conviviaux aménagés à chaque étage des sites d’Ubisoft à Montreuil, où les salariés peuvent faire une pause ou organiser une réunion avec quelques collègues. / Gilles TRILLARD / Ubisoft

Espaces de socialisation

« Les espaces de socialisation sont devenus un enjeu clé des lieux de travail, observe Julien Eymeri de l’agence de conseil en stratégie Quartier Libre et coauteur d’une étude sur les transformations des lieux de travail pour l’Association des directeurs immobiliers (ADI). Cherchant à favoriser un climat propice à l’échange, à la discussion, les entreprises s’inspirent de plus en plus des lounges d’aéroport ou des salons d’hôtels de luxe pour aménager ces espaces. »

Chez Deloitte où la course aux jeunes talents est aussi un enjeu prioritaire - l’entreprise a recruté 2 000 nouveaux collaborateurs en 2017 -, Brice Chasles, associé conseil immobilier, le confirme : « pour les 22-29 ans, la qualité de l’environnement de travail est vraiment est un élément clé de leur motivation et de leur efficacité. Nous leur demandons d’être innovants, ils veulent dès lors que nous offrions un environnement leur permettant de se dépasser, de rechercher cette performance. Une table, une chaise et un écran ne suffisent plus ».

En juillet 2016, le cabinet d’audit et de conseil a déménagé de son siège historique de Neuilly-sur-Seine pour la Défense. Mais avant de regrouper l’ensemble de ses salariés au sein de la nouvelle tour Majunga, il a, durant un an, testé en réel avec quelque mille collaborateurs, cinq types d’organisations de travail très différentes, pour trouver les aménagements les plus efficaces.

Poufs et canapés

Aux dix-neuf étages (du 21e au 39e) que l’entreprise occupe désormais, plus personne n’a de bureau attitré. Il n’y a plus qu’un poste pour deux, voire trois salariés. Mais « il a toujours un endroit où chacun peut s’installer pour travailler », assure Brice Chasles. Chaque collaborateur dispose d’un ordinateur, d’un téléphone et d’un casque, et il a la liberté de s’installer où il veut. Il peut avancer seul sur une étude sur l’un des bureaux individuels installés près des fenêtres ou au sein de la « bibliothèque », vaste salle censée garantir le silence total. Il peut s’isoler dans une des bulles abritant une cabine téléphonique pour s’entretenir au téléphone sans être déranger. Ou encore travailler en équipe dans l’une des « Greenhouse », grandes pièces dotées de tout l’équipement numérique nécessaire pour plancher en groupe sur des projets de co-création, ou sur les canapés et poufs de l’un des nombreux espaces collaboratifs.

« Les millennials sont beaucoup moins conventionnels dans leur rapport au travail et dans leur manière d’appréhender la hiérarchie. Ce qui leur importe c’est de pouvoir travailler en mode projet. Et ils n’ont aucun mal à travailler à différents endroits, mais quel que soit le lieu ils veulent trouver un environnement de qualité. Ils ont un fort niveau d’exigence sur la convivialité, la lumière, le confort sonore. Et bien sûr sur la connectique. Une organisation en flex office suppose un très bon fonctionnement du wifi en tout point de l’entreprise. » Y compris sur la terrasse du Deloitte Café au 38e étage, où les collaborateurs peuvent venir à tout heure grignoter quelque chose, jouer à la playstation, boire un verre avec des collègues, organiser une réunion d’équipe…

Le Café Deloitte, au 36e étage de la Tour Majunga érigée sur l’esplanade de la Défense : une cafétérai  où les collaborateurs peuvent venir à toute heure grignoter quelque chose, jouer à la playstation, boire un verre avec des collègues, organiser une réunion d’équipe... / DELOITTE

La culture du « tout sur place »

« La frontière entre vie professionnelle et vie personnelle s’émousse, souligne Aude Grand de la Société Foncière Lyonnaise, qui, en charge du baromètre Paris Workplace, suit l’évolution de la perception des bureaux par les salariés. Pour 80 % des salariés de la French Tech, les bureaux sont un lieu de travail mais aussi un lieu de vie. C’est-à-dire un lieu où l’on doit pouvoir tout aussi bien travailler que se détendre, se reposer, faire du sport, jouer, prendre des pots, voire faire des courses. Cette évolution s’impose à bien des entreprises qui veulent attirer de nouveaux talents. »

Les nouveaux espaces de travail ne se conçoivent plus dès lors sans tout une offre de services. Ubisoft a ainsi noué des partenariats avec des commerces environnant ses locaux de Montreuil. Ses collaborateurs bénéficient de tarifs préférentiels auprès de restaurateurs riverains et de services de proximité (coiffeurs, garagiste), ainsi que d’un service de distribution de paniers bio et de pains frais.

Deloitte va encore plus loin avec la culture du « tout sur place ». La Tour Majunga propose divers points de restauration dont un Sushi Shop, un Café Illy, ou un Daily’Monop, une salle de sport à la lumière du jour, une salle de sieste, ou encore une e-conciergerie proposant tout type de prestations (pressing, salon de coiffure, casier pour recevoir le colis d’une commande passée par internet…). Cherchant à faciliter la vie de ses collaborateurs, l’entreprise en vient ainsi à créer une ville dans la ville.

Ce thème sera au centre d’une conférence organisée par « Le Monde » vendredi 2 février de 8h30 à 10h30. Inscription gratuite en ligne.