Les manifestants brûlent des palettes devant la prison des Baumettes de Marseille, le 22 janvier. / JEAN-PAUL PELISSIER / REUTERS

Huit jours après le début de leur mobilisation nationale, les syndicats de surveillants appelaient mardi 23 janvier à un nouveau blocage des prisons et accentuaient leur pression sur la garde des sceaux, qu’ils doivent rencontrer de nouveau dans la journée.

Les questions de sécurité, d’emploi et de rémunération devraient être au cœur des discussions que Nicole Belloubet mènera avec les principaux syndicats de la pénitentiaire (UFAP, FO et CGT) à partir de 14 heures à la chancellerie.

Depuis l’échec de premières négociations samedi, la ministre s’est investie personnellement dans ces discussions dans l’espoir d’éteindre cette vaste mobilisation, déclenchée par l’agression de surveillants dans la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) le 11 janvier et attisée, depuis, par une série d’autres incidents violents.

« Métier extrêmement difficile »

Une première rencontre lundi au ministère n’a pas permis d’aplanir les divergences avec les gardiens de prison, qui sont engagés dans leur plus grand mouvement de mobilisation en vingt-cinq ans. « C’est un métier extrêmement difficile », a reconnu la ministre à l’issue de cette rencontre, plaidant pour que des « résultats concrets » soient enregistrés « le plus rapidement possible » en faveur des personnels. « Il y a des demandes qui seront faites par les syndicats, il y a des réponses qui seront faites par la ministre de la justice (…). Je pense qu’il y aura des réponses concrètes » mardi, a affirmé sur BFM-TV le porte-parole de la chancellerie, Youssef Badr, se disant « très optimiste » sur l’issue des négociations.

Les syndicats maintenaient toutefois une forte pression, portés par une journée de mobilisation massive lundi.

Au total, 130 des 188 prisons françaises ont été touchées à des degrés divers par le mouvement, selon la Direction de l’administration pénitentiaire. Pendant la journée, jusqu’à 50 établissements ont été totalement bloqués dont 15 où les agents ont refusé de prendre leur service. Dans sept prisons, les forces de l’ordre ont dû remplacer des surveillants absents.

« Rien de concret »

Les syndicats disent attendre plus d’engagements du gouvernement, notamment sur la question sensible des détenus islamistes et sur l’emploi. Le texte gouvernemental rejeté samedi par les personnels prévoyait la création de 1 100 postes sur quatre ans.

« Il n’y a absolument rien de concret. On demande des établissements spécialisés à taille humaine avec sécurité renforcée pour gérer les détenus djihadistes ou qui se radicalisent en prison. En termes d’emplois, [Mme Belloubet] nous dit qu’elle veut faire un effort sans nous donner les chiffres », a affirmé sur BFM-TV David Besson, secrétaire général adjoint de l’UFAP-UNSA Justice (majoritaire).

Par la voix de son secrétaire général Emmanuel Baudin, le syndicat FO a, lui, appelé à « amplifier » le mouvement. « Notre but est de trouver une solution. Nous voulons mettre la pression », a-t-il expliqué, appelant les gardiens à refuser de reprendre leur travail en « déposant » les clés.

Dans la prison corse de Borgo, théâtre d’une violente agression de deux gardiens vendredi, les surveillants ont choisi cette voie et refusent toujours de reprendre leur poste. En leur absence, ce sont les gendarmes qui continueront de gérer la prison. « On ne veut plus être considérés comme de simples porte-clés », résume Christopher Dorangeville, secrétaire général de la CGT-Pénitentiaire.

Pas de revalorisation statutaire

En réponse, Mme Belloubet promet que les négociations porteront non seulement sur « les créations d’emplois », « la sécurité des personnels » mais aussi sur « la question indemnitaire », une revendication des syndicats qui n’avait pas été abordée lors des précédentes réunions.

La ministre a toutefois semblé fermer la porte à une revalorisation statutaire défendue par les syndicats FO et CGT qui réclament le passage des surveillants de la catégorie C à B de la fonction publique. Sur l’emploi, elle a également affirmé ne « pas être certaine » de pouvoir aller au-delà des 1 100 créations de postes déjà promises.

Sur le terrain, la mobilisation s’accompagnait de quelques remous. Lundi, dans quatre établissements, des détenus ont momentanément refusé de regagner leurs cellules, notamment à Pau où ils entendaient protester contre l’annulation du temps de promenade. Deux nouvelles agressions de gardiens ont par ailleurs eu lieu dimanche à Longuenesse (Pas-de-Calais) et Châteauroux (Indre).

Ces attaques à répétition alimentent la colère des quelque 28 000 gardiens de prison qui jugent leur profession dangereuse, mal payée et mal considérée alors que les prisons souffrent d’une surpopulation chronique.