Michel Platini, en avril 2016. / DENIS BALIBOUSE / REUTERS

La question taraude le camp Platini : en septembre 2015, qui a sabordé la candidature du Français à la présidence de la Fédération internationale de football (FIFA) en mettant le ministère public de la Confédération helvétique (MPC) sur la voie du paiement de 2 millions de francs suisses (1,8 million d’euros) que lui a fait, en 2011, Sepp Blatter, alors président de la FIFA ? L’hypothèse d’une fuite a pris de l’épaisseur.

Selon le MPC, qui a saisi, au siège de la FIFA, une masse colossale de données dans le cadre de ses enquêtes sur le football, ce paiement n’a pas été identifié « sur la base d’informations d’organes financiers », contrairement à ce qu’avançait à l’origine Sepp Blatter. En revanche, plusieurs membres de la haute administration de la FIFA connaissaient l’existence de ce versement, alors que la plupart d’entre eux redoutaient de voir Michel Platini triompher dans les urnes en février 2016.

Selon plusieurs sources internes comme externes à la fédération, c’est un proche de Sepp Blatter qui a informé le parquet suisse. Pour ces personnes, il n’y a pas de doute : il s’agit de Marco Villiger, alors directeur juridique du président de la FIFA. Longtemps zélé serviteur et confident de Sepp Blatter, à qui il avait toutefois conseillé de remettre son mandat à disposition en juin 2015, le juriste est devenu l’interlocuteur privilégié des autorités judiciaires américaines et suisses et le « référent » de la FIFA auprès du cabinet d’avocats californien Quinn Emanuel, chargé de défendre les intérêts de la fédération depuis le coup de filet anticorruption du 27 mai 2015 à l’hôtel Baur au lac de Zurich.

Unique survivant de l’ère Blatter

Unique survivant de l’ère Blatter, Marco Villiger a été promu, en 2016, secrétaire général adjoint de la FIFA par son nouveau président, Gianni Infantino. Et de nombreuses sources indiquent que l’ambitieux juriste pourrait remplacer, dans les prochains mois, la Sénégalaise Fatma Samoura au poste de secrétaire général.

La FIFA a toujours assuré que M. Villiger n’était pas au courant du paiement fait à Michel Platini avant la perquisition effectuée, le 25 septembre 2015, par les autorités suisses dans le bureau de Sepp Blatter. « Ces soupçons sont faux, a récemment déclaré Marco Villiger à L’Equipe. Je n’avais pas connaissance des accords passés. »

«  Sur la tête de ce que j’ai le plus cher au monde, Marco Villiger a été au courant de tout, de A jusqu’à Z, affirme toutefois Jérôme Valcke, ex-secrétaire général de la FIFA, suspendu dix ans. Rien, à la FIFA, n’était fait sans une validation par Villiger. Dire qu’il était un saint, voire un ange, j’en pleure.»

« Villiger savait pour le paiement, c’est certain », ajoute l’un de ses ex-collaborateurs. Cette version a notamment été confirmée devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) par Markus Kattner, ex-directeur financier de la FIFA. De son côté, Sepp Blatter considère que « c’est un fait avéré que M. Villiger a transmis le cas Platini au MPC ». L’ancien président déclare en avoir eu « la confirmation orale d’une personne de la FIFA ». Plusieurs sources soupçonnent cependant l’ex-patron du foot mondial d’avoir demandé à Marco Villiger de faire fuiter l’information pour couler la candidature de Michel Platini, avec lequel la rupture était consommée depuis plusieurs années.

« Un enjeu politique »

L’ancien patron du football mondial dément avoir été le commanditaire. « Blatter ne voulait pas de Michel comme président, et il a certainement fait sortir cela en oubliant le principe de l’arroseur arrosé », dit en souriant néanmoins un ancien dirigeant de la FIFA.

Mécaniquement, l’ouverture d’une procédure par la justice suisse a poussé le comité d’éthique de la FIFA à poursuivre, puis à suspendre, Michel Platini et Sepp Blatter. En tant que directeur juridique, c’est Marco Villiger qui a coordonné les travaux de ce tribunal interne. « Il avait les infos du comité d’éthique et suivait l’avancée des enquêtes sur Platini et Blatter, souffle un ex-cadre du comité d’éthique. Il y avait un enjeu politique dans cette procédure : il valait mieux que Platini reçoive la décision de sa suspension avant l’élection plutôt qu’après. Sinon, cela aurait été catastrophique pour l’image de la FIFA. »

M. Villiger a-t-il piloté l’instruction du cas Platini ? « M. Villiger et son secrétariat s’occupaient effectivement de toutes les commissions indépendantes : d’éthique, d’appel, d’audit, de discipline », confie Sepp Blatter. « Bien entendu que Villiger était au milieu de tout ce qui concerne l’éthique et qu’il voyait directement Blatter sur toutes ces questions », confirme un ex-haut cadre de la FIFA. Contactée, la fédération assure que « le comité d’éthique dirige ses enquêtes et procédures et rend ses décisions de manière totalement indépendante ».