Donald Trump à la Maison Blanche, à Washington, le 24 janvier. / YURI GRIPAS / REUTERS

Une course d’obstacles est lancée à Washington. Le principal protagoniste en est le procureur spécial désigné en mai pour enquêter sur les interférences russes dans la campagne présidentielle de 2016, Robert Mueller. Ce dernier se heurte de plus en plus ouvertement à l’offensive alimentée par l’administration de Donald Trump et le Parti républicain pour en discréditer par avance le résultat.

Le président des Etats-Unis prend soin pour l’instant de ne pas s’attaquer frontalement au procureur spécial. Il a d’ailleurs assuré mercredi 24 janvier être prêt à être interrogé « sous serment » par Robert Mueller lors d’un échange impromptu avec des journalistes à la Maison Blanche. « J’aimerais vraiment le faire », a-t-il insisté, quelques instants avant un départ prévu pour le forum de Davos, en Suisse.

Il a réaffirmé une nouvelle fois qu’il n’y a eu selon lui « aucune collusion » entre son équipe de campagne et les responsables de piratages informatiques imputés à la Russie par le renseignement américain. M. Trump ne cesse de dénoncer une « chasse aux sorcières » imaginée par le camp démocrate en représailles à la défaite de sa candidate, Hillary Clinton. Il s’est longtemps dit convaincu que les investigations de Robert Mueller s’achèveraient avant la fin de l’année passée sans qu’il soit personnellement inquiété. Un pronostic qui s’est avéré erroné.

Relations financières

Après avoir annoncé de premières inculpations pendant l’automne, dont aucune ne renvoie directement à une collusion, le procureur spécial a entendu il y a quelques jours l’attorney general (ministre de la justice) des Etats-Unis, Jeff Sessions, dans le cadre de cette enquête. Ce dernier s’est récusé en mars pour avoir passé sous silence des rencontres pendant la campagne avec le diplomate qui était alors l’ambassadeur de Russie à Washington, Sergeï Kislyak. Selon M. Sessions, ces conversations avaient été de pure routine compte tenu de sa fonction de conseiller de M. Trump. Le président a regretté publiquement, et à de nombreuses reprises, que M. Sessions se soit mis en retrait dans un dossier sensible.

L’attorney general n’est pas le seul a avoir été entendu par Robert Mueller au sein de la nouvelle administration. Le directeur de la CIA, Mike Pompeo, a également été interrogé récemment par le procureur spécial qui n’a donné pour l’instant aucune indication sur la durée de ses travaux. L’enquête en cours ne se limite pas à une éventuelle collusion, pour l’instant encore hypothétique. Elle s’intéresse également à la rencontre du fils du président, Donald Trump Jr., en juin 2016, avec des personnalités liées à Moscou, aux relations financières passées entre Donald Trump et des entités russes, et enfin à l’éventuelle obstruction à la justice qu’a représenté le limogeage de James Comey, alors directeur du FBI et chargé de cette même enquête, par le président, en mai 2017.

Echanges de SMS

Face au procureur spécial, un travail de sape a été lancé, qui se concentre précisément sur la police fédérale, et sur des membres de son équipe d’enquêteurs. Des élus républicains du Congrès mettent en cause depuis des mois leur impartialité à la suite de la publication d’échanges de SMS entre l’un d’eux et sa maîtresse, également membre du FBI. Ils y faisaient état de leur inquiétude, en 2016, face à l’éventualité d’une élection de Donald Trump. Cet enquêteur a été écarté par Robert Mueller au cours de l’été, avant même que ces messages deviennent publics.

Les parlementaires républicains sont revenus à la charge après l’aveu du ministère de la justice, le 22 janvier, qu’une partie des messages échangés par les deux amants, entre décembre 2016 et mai 2017, a été effacé à la suite d’un problème technique. Les élus disposent déjà de 384 pages de textes, soit un total stupéfiant d’environ 50 000 SMS. Le président des Etats-Unis a commenté cet épisode en évoquant sur son compte Twitter « l’une des plus grosses histoires depuis longtemps ».

Un dossier controversé

Une seconde offensive a été lancée sous la forme d’un mémorandum rédigé par des assistants du parlementaire républicain Devin Nunes (Californie), président de la commission du renseignement de la Chambre des représentants et qui s’attaque frontalement à la police fédérale. Pour l’instant classifié parce qu’il contient des informations jugées sensibles, ce mémorandum mettrait notamment en cause l’usage fait par le FBI du contenu d’un dossier controversé, rédigé par un ancien membre des services de renseignement britanniques, qui porte sur des liens jugés problématiques entretenus par le passé par Donald Trump avec la Russie.

Devin Nunes s’était mis en difficulté en mars 2017 en se portant au secours de Donald Trump qui avait accusé, sans apporter le moindre élément de preuves, que son prédécesseur, Barack Obama, l’avait fait espionner pendant la campagne. L’élu avait dû prendre ses distances avec l’enquête de sa propre commission consacrée aux interférences russes pour avoir fait état publiquement d’informations classifiées étayant selon lui les affirmations du président.

Ce mémorandum a fait l’objet d’une campagne massive sur les sites d’information conservateurs, à commencer par la chaîne Fox News, pour que le président autorise sa déclassification. Le plus haut responsable démocrate de la même commission du renseignement, Adam Schiff, a dénoncé de son côté un rapport « riche en inexactitudes factuelles » qui ne vise selon lui « qu’à donner aux membres de la Chambre républicaine une vision déformée du FBI ».