Durant les célébrations du septième anniversaire de la révolution tunisienne, le 14 janvier 2018, à Tunis. / Zoubeir Souissi/REUTERS

Tunisie, où vas-tu ? La transition démocratique tunisienne, tant célébrée à l’étranger comme un « modèle », est-elle en train de s’enrayer ? Sur la seule sphère politique, on ne compte plus les retards, les ratés, les faux pas, voire les régressions. Parmi les plus notables : un Parlement infantilisé, une Cour constitutionnelle dans les limbes, une Commission électorale affaiblie, une décentralisation à la peine, une justice contestée, un arbitraire policier qui perdure. Et puis, il y a cette nouvelle petite musique qui fait entendre la nostalgie d’un ordre à poigne tout en démonétisant la révolution du printemps de 2011.

C’est un paradoxe amer, un dégât collatéral de la stabilisation politique de la Tunisie. La démocratie a besoin de paix pour s’épanouir mais quand celle-ci vire au consensus opaque, à l’arrangement à huis clos, la concorde apparente ne devient-elle pas le faux nez d’un pouvoir confisqué ? Cette question, un nombre croissant de Tunisiens attachés à la transition démocratique de leur pays se la posent avec inquiétude.

Le consensus partisan qui prévaut depuis 2015 entre les « modernistes » de Nidaa Tounès et les « islamistes » d’Ennahda, les deux mouvements alliés dans une coalition gouvernementale après s’être violemment combattus en 2012-2013, ne s’est-il pas dégradé en étouffoir, en machine à tout neutraliser ?

Un dépit évident

Cette question surgit inévitablement alors que l’inventaire de la transition démocratique en Tunisie, sept ans après la révolution de 2011, quatre ans après l’adoption d’une Constitution éminemment progressiste, dévoile un chantier non seulement inachevé mais à la dynamique grippée. L’élan printanier de 2011, ce nouveau pacte civique scellé autour de la démocratie et de la justice sociale, s’est comme enlisé. Comparé au désastre des autres printemps arabes – Egypte, Syrie ou Libye – le cas tunisien pourrait sembler bénin. A cette aune-là, la Tunisie demeure un exemple roboratif. Mais au regard de ses propres espoirs de changement exprimés en 2011, le dépit est évident.

Le Monde Afrique propose une série de six épisodes qui tente de faire la photographie du moment politique périlleux que traverse le pays, de l’état du consensus qui prévaut depuis 2015 à la tentation présidentialiste, en passant par le retour des bénalistes, le chaînon encore manquant de la démocratie locale, l’arbitraire policier qui ne veut céder et la vitalité du monde associatif, sous haute surveillance de l’Etat, mais qui représente malgré tout un espoir pour l’avenir.

Sommaire de notre série Tunisie, où vas-tu ?

Sept ans après la révolution de 2011 en Tunisie, Le Monde Afrique dresse un bilan de la transition démocratique.