Pour Rocío Romero, tourner une vidéo dans la salle de classe pendant la fusillade était une façon de rassurer ensuite les parents. / Susana Rodríguez

Allongés sur le ventre, des enfants de 7 ou 8 ans chantent une comptine dans une école de l’Etat de Sonora, à Ciudad Obregón, dans le nord-ouest du Mexique. A l’extérieur, des tirs retentissent. « C’est une simulation », rassure l’institutrice d’une voix calme tout en filmant sa classe avec son téléphone portable. Ce 12 janvier, la fusillade est pourtant à balles réelles. Elle fera deux morts à cent mètres de l’établissement. La vidéo, postée sur les réseaux sociaux, est vite devenue virale dans un pays où la lutte contre la violence des cartels de la drogue entre dans les programmes scolaires.

25 000 assassinats en 2017

« Les enfants ne se sont aperçus de rien », a raconté dans les médias l’enseignante, Rocío Romero, qui a envoyé la vidéo à leurs parents pour les tranquilliser. « L’un d’eux l’a sans doute postée sur le Web », a commenté l’institutrice, qualifiée depuis d’« héroïne » par les internautes. 2017 a été l’année la plus violente depuis vingt ans au Mexique avec plus de 25 000 assassinats. Dans l’Etat de Sonora, un des théâtres de la guerre des cartels, les homicides ont augmenté de 10 % en un an.

Pour protéger les élèves de cette violence, qui ne connaît pas de trêve durant les heures de classe, le ministère mexicain de l’éducation distribue, depuis cinq ans, aux professeurs de primaire un protocole d’actions en cas d’affrontements armés aux abords des écoles. Cette année, le programme a été étendu aux collèges et aux lycées. A côté des mathématiques ou de l’espagnol, les élèves apprennent ainsi les gestes qui sauvent lors d’une attaque : « s’allonger sur le sol, loin des portes et des fenêtres », « garder le silence », « éteindre son téléphone portable », « ne pas entrer en contact avec les agresseurs ». Autant de recommandations listées par le document du ministère qui livre aussi des indications si des hommes armés pénètrent dans l’établissement. Les professeurs et les élèves sont alors sommés de « rester dans leur classe », d’« éteindre les lumières », de « fermer la porte à clé et la bloquer avec une chaise ou une table », puis de « compter les présents ».

Dans les écoles des Etats les plus touchés par la violence, la police organise aussi des simulations de fusillade. La vidéo de l’une d’entre elles, diffusée en octobre sur le Net, a provoqué une polémique. Certains internautes dénonçaient l’instauration d’une ambiance angoissante au sein des établissements alors que d’autres soulignaient la nécessité de préparer les enfants aux risques d’attaque. « Chanter une comptine ne fait pas partie du protocole », a souligné Rocío Romero. L’institutrice a également confié avoir « été félicitée par des parents pour avoir détourné l’attention de leurs enfants ». Mais ses élèves, eux, lui ont « reproché de leur avoir menti sur la réalité de la fusillade ».