Face à l’Espagne, le Barcelonais Cédric Sorhaindo va affronter sa « famille ». / ANTONIO BRONIC / REUTERS

C’était une fête de famille avant l’heure. Ayant rempli leurs obligations médiatiques, les joueurs de l’équipe de France de handball s’apprêtaient à quitter la Zagreb Arena, jeudi, quand l’équipe d’Espagne a pénétré sur le terrain. A les voir s’embrasser, se chambrer, se donner forces accolades et tapes dans le dos, difficile de croire que les deux sélections vont s’affronter vendredi 26 janvier (18 heures, sur M6 et BeIN Sports) pour une place en finale de l’Euro 2018.

La raison de ces réjouissantes retrouvailles est simple. Dans l’univers de la « balle pégueuse », il y a bien longtemps que les Pyrénées ne forment plus une frontière infranchissable. Côté Bleus, Cédric Sorhaindo et Dika Mem font les beaux jours de Barcelone, où Nikola Karabatic a posé son sac avant de débarquer à Paris. Luc Abalo et Adrien Dipanda ont également passé quelques saisons dans la péninsule ibérique.

Quant au sélectionneur français Didier Dinart, après avoir tout remporté sous le maillot de Ciudad Real et s’y être forgé le surnom « la Roca » (« le roc », en espagnol), il est resté dans la cité espagnole, où il vit encore. Et chez les « Hispanos », surnom de la sélection ibère, pas moins de six joueurs jouent dans le championnat de France.

Des jeux ne manquant pas de similitudes

« Ce sont mes coéquipiers, mon pays d’adoption, ma famille », résume le capitaine français, Cédric Sorhaindo, confiant passer « beaucoup plus de temps avec [les Espagnols] qu’avec les joueurs de l’équipe de France ». Et le pilier de la défense française de regretter de ne pas affronter ses coéquipiers en finale de la compétition – le Barça fournit un fort contingent de l’équipe espagnole – où « le perdant aurait été assuré d’une médaille ». Mais comme tous les Français, le pivot des Bleus promet de mettre ses affinités de côté les soixante minutes que durera la rencontre :

« On a des objectifs avec ce groupe et mon premier souhait, c’est de les atteindre, peu importe quelle équipe se présente a face à nous. Mais si jamais on gagne, on célébrera avec retenue. »

Experts et Hispanos ont entamé le trash-talking (« chambrage ») par messages interposés sitôt l’affiche de la demi-finale connue. Se connaissant par cœur, les deux sélections ne manquent guère de similitudes. Comme la France, l’Espagne a un nouveau technicien à sa tête depuis le dernier Mondial. Et, comme les Bleus, elle s’est présentée à l’Euro avec un groupe remanié. « C’est une nouvelle équipe, et c’est le risque pour nous », souligne Luc Abalo. Se méfiant de la décontraction d’Espagnols « sans complexes » et n’ayant « rien à perdre », l’ailier du PSG, qui a évolué quatre ans à Ciudad Real, s’attend à un match disputé et ardu.

Sur le plan du jeu, les affinités de l’hispanophile Dinart avec la méthode d’analyse permanente prônée par Juan Carlos Pastor, l’ancien sélectionneur espagnol (2004 à 2008), ne sont plus à souligner. « Petit à petit, la France joue dans un style plus espagnol », abonde le Nantais Eduardo Gurbindo. L’arrière droit espagnol voit dans l’équipe de France millésime Dinart des éléments « inspirés de cette méthode, principalement en défense, mais également dans l’organisation de l’attaque ». Et constate : « Ils se sont encore améliorés. »

Des Experts sûrs de leurs forces

Si l’équipe de France a rempli à la lettre les objectifs définis par son coach, remportant tous ses matchs et se hissant sans coup férir en demi-finales, la route des Espagnols fut plus cahoteuse. Battus par la Macédoine puis la Slovénie, les Ibères ont obtenu leur qualification grâce à une victoire pleine de maîtrise face aux tenants du titre allemands mercredi (31-27), après que la République tchèque et la Slovénie se sont mutuellement éliminées en faisant match nul.

Après ce « quasi-quart de finale où il n’y avait pas à calculer », comme le formule l’ailier droit espagnol, Ferran Soler, c’est une sélection fière d’avoir composté de haute lutte son ticket pour les demi-finales qui se présente sur la route des Bleus. Ces derniers « ont gagné le droit d’être favoris, car ils ont remporté presque toutes les dernières compétitions, assure le joueur de Toulouse, mais on peut les battre ».

Opposés à une équipe déployant un handball léché, les Français abordent la rencontre avec le calme serein qui les caractérise depuis le début de la compétition. Cette sérénité qui a poussé Didier Dinart à faire confiance à ses jeunes pour terminer le match mercredi, alors que la Croatie, poussée par tout un peuple, était revenue à un point des Bleus. Sûrs de leurs forces mais restant « humbles et concentrés » – les anciens comme Luc Abalo y veillent –, les ouailles de Didier Dinart entendent poursuivre leur route dans la compétition. Ils affronteraient en finale le vainqueur du derby scandinave entre Suédois et Danois. « Ce serait vraiment dommage de se faire sortir en demi-finales, alors qu’on est bien lancés, constate le sélectionneur français. On s’est ouvert la porte aux médailles, maintenant il faut essayer de gagner la plus belle. »

France-Espagne, 18 heures, sur M6 et Bein Sports 1. Et en live sur Le Monde. fr