Les Verts allemands ont élu pour la première fois, samedi 27 janvier, deux représentants de l’aile dite « réaliste » à la tête de leur parti : Annalena Baerbock et Robert Habeck. / JULIAN STRATENSCHULTE / AFP

Les Verts allemands ont célébré, samedi 27 janvier, un changement d’époque. Lors du congrès extraordinaire qui s’est tenu à Hanovre, ils ont élu pour la première fois deux représentants de l’aile dite « réaliste » à la tête de leur parti : Annalena Baerbock et Robert Habeck. C’est une césure dans la tradition du mouvement, qui exigeait jusqu’à présent que la direction bicéphale du parti incarne les deux tendances (gauche/réaliste).

Annalena Baerbock est l’experte climat et Europe des Verts au Bundestag. Son discours de candidature, samedi, a été très acclamé. En temps de crise de l’Europe, les Verts, estime-t-elle « doivent entonner encore plus clairement la neuvième [symphonie] de Beethoven [l’hymne européenne] », a-t-elle lancé, et a plaidé pour une politique généreuse en faveur du regroupement familial des réfugiés. A 37 ans, elle devient numéro deux du parti, à côté de la nouvelle grande figure charismatique du parti, Robert Habeck.

Des idées écoologistes devenues consensuelles

Robert Habeck est un des nouveaux visages qui ont émergé sur la scène politique allemande après les élections de septembre 2017. Extrêmement populaire dans son parti, il est un de ceux à qui la presse promet un grand avenir : depuis quelques semaines, les comparaisons flatteuses pleuvent sur cet élu écologiste de la région du Schleswig-Holstein, au nord de l’Allemagne, où il est né. « Le nouveau Joschka Fischer » écrit la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Les Verts allemands ont fait de lui l’incarnation du renouveau d’un parti en panne d’inspiration.

Car depuis qu’Angela Merkel a décidé la fermeture définitive des centrales nucléaires allemandes, les Verts vivent un problème existentiel : ils sont devenus consensuels. Les idées écologistes sont largement partagées, jusque dans les rangs les plus conservateurs. Le parti écologiste participe au niveau local aux gouvernements de neuf Länder. Réussite suprême : dans le riche Bade-Würtemberg, cœur de l’industrie automobile allemande, en dépit de la crise du diesel, c’est l’écologiste Winfried Kretschmann, qui dirige la région depuis 2011, dans une coalition avec les conservateurs.

Le grand espoir des Verts était de se ressourcer par l’exercice du pouvoir au plus haut niveau, au sein du gouvernement à Berlin. Las ! L’échec de la coalition dite « Jamaïque » – alliance entre les conservateurs, le parti libéral FDP et les Verts – a sonné le glas de cette ambition. Au lieu de gouverner, les Verts sont aujourd’hui le plus petit parti représenté au Bundestag, après avoir obtenu 8,9 % des suffrages aux élections de septembre. Ceux qui ont perdu tout espoir d’obtenir un poste ministériel, comme le vice-président du parti Cem Özdemir, ont choisi de laisser la place à la nouvelle génération.

Ascension rapide au sein du parti

Robert Habeck, 48 ans, y a vu sa chance. Ce docteur en philosophie, auteur de livres pour enfants, a fait une carrière politique rapide chez les écologistes. Quinze ans après avoir adhéré au parti, il en prend les commandes. La perspective de devenir la figure de proue d’un parti désorienté n’est pas pour lui déplaire : une photo récente, reprise par les grands quotidiens du pays, le montrent à l’avant d’un bateau de pêche lancé à toute allure, cheveux au vents, le long des côtes de la mer du Nord. Jouant à la perfection son rôle de ministre anticonventionnel de l’agriculture du Land du Schleswig-Holstein, il est l’incarnation glamour d’un parti Verts aux affaires. C’est une coalition « Jamaïque » qui dirige actuellement la région. A Kiel, Robert Habeck est le numéro deux du gouvernement local.

Il est conscient de l’effet qu’il produit sur la presse et sur les jeunes militants écologistes. Contrairement aux anciens, ils ne craignent pas les figures d’autorité. Samedi 27 janvier, il a joué à plein de cet atout: il a mis sa candidature en jeu pour imposer la fin de la règle du non-cumul entre un mandat local et la direction du parti, une clause fondatrice des statuts. Certains élus ont froncé les sourcils. Mais Robert Habeck a remporté cette négociation haut la main. Il reste ministre en Schleswig-Holstein, et prend la tête du parti.

L’heure est au pragmatisme, et à la conquête de nouveaux électeurs. « Le problème des Verts est que leurs électeurs sont encore limités à certains milieux, dans les villes universitaires comme Freiburg et Tübingen et dans certains quartiers du centre de Berlin. S’ils veulent étendre leur influence, ils doivent s’adresser à d’autres groupes. C’est ce que Robert Habeck a en vue avec sa coalition Jamaïque dans le Schleswig-Holstein, » analyse Thomas Poguntke, professeur de sciences politiques à l’université de Düsseldorf. En tant que ministre de l’agriculture, il négocie avec les agriculteurs et les pêcheurs. Robert Habeck voit les Verts comme la future force d’ancrage au centre gauche de l’échiquier politique allemand.

« On reproche souvent aux Verts de passer leur temps à critiquer. Nous devons montrer que nous sommes passionnés et optimistes. Nous devons incarner le positif dans notre langue, notre programme et notre façon d’être, » explique Robert Habeck, dans les colonnes de Welt am Sonntag.