Série sur OCS Go à la demande

Counterpart | Official Trailer | STARZ
Durée : 02:31

Berlin, dans les années 1980, celles d’après la construction du Mur, celles d’avant sa chute. Comme d’habitude, il entre dans l’immense et lugubre agence de surveillance où il travaille depuis trente ans. Comme d’habitude, il passe les portiques de contrôle, dépasse les gardes armés, ôte sa casquette aussi avachie que ses épaules, et se déshabille pour endosser son costume gris. A l’instar de tous ses collègues. Comme d’habitude, dans une cabine qu’une vitre coupe en deux, il échange des ­codes auxquels il ne comprend rien avec un « costume noir ». Et puis un jour, lui, l’insignifiant ­Howard Silk, guère plus intéressant qu’un insecte, subit un terrible renversement de vie.

Contre toute attente, ses supérieurs se voient contraints de lui révéler le secret le mieux sécurisé qui soit : depuis la guerre froide, ils savent qu’existe un autre monde, parallèle au nôtre, dénommé « l’Autre côté » (celui des « costumes noirs »). Un monde où chacun de nous a un double. Et l’immeuble-bunker où chaque jour le terne Howard Silk vient travailler, lui explique-t-on, n’est autre que le lieu d’échange souterrain, ultra-secret, entre ces deux mondes.

Or le double d’Howard – physiquement identique, mais psychologiquement autre –, lui-même agent secret, a franchi le passage entre les deux mondes pour échanger des renseignements, mais à la condition expresse de rencontrer son double, le Howard Silk qui travaille de ce côté-ci. Pour qu’ils fassent équipe contre un ennemi commun.

Mieux que dans « Whiplash »

La chose se répète, ces derniers temps : Howard Silk et son « doppelgänger » sont interprétés par le même acteur, J. K. Simmons. Un comédien indissociable de la ­série culte Oz (dans laquelle il fut Vern Schillinger, l’inoubliable et sadique prisonnier nazi), un interprète qui, mieux que dans Whiplash – grâce auquel il reçut l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle –, a tout loisir, ici, de composer, subtilement, sans postiches ni grimage, un personnage double : deux versions corporelles, deux possibles avatars de l’agent ­Howard Silk. Plus encore qu’Ewan McGregor dans Fargo ou que ­James Franco dans The Deuce – où chacun interprétait deux frères très différents –, J. K. Simmons porte la série sur ses épaules, et magistralement.

J. K. Simmons dans « Counterpart ». / ANNE MARIE FOX

Tournée en partie à Berlin (comme le sera la deuxième saison, d’ores et déjà commandée par la chaîne câblée américaine Starz), Counterpart n’insuffle pas plus de « science-fiction » que ce que nous venons de révéler, pour mieux introduire des interrogations qui, sans être nouvelles, restent à ­jamais des apories. Qu’est-ce que la prétendue identité de chacun ? Quelle(s) autre(s) vie(s) n’avons-nous pas vécue(s) ? Que sont ces petits riens qui peuvent faire ­bifurquer une existence ? Le tout en tenue de soirée, c’est-à-dire ­habillé en thriller d’espionnage à la mise en scène chic et classique.

Lancée par un premier épisode déroutant mais formidablement excitant, cette série, écrite par le scénariste et producteur Justin Marks, reflète, consciemment ou non, une des tendances fortes des temps sériels actuels : se projeter dans un monde parallèle.

Counterpart, saison 1, série créée par Justin Marks. Avec J. K. Simmons, Harry Lloyd, Nazanin Boniadi, Emily Burton (EU, 2017, 10 × 52 minutes).