« Pas besoin des sondages, Trump a gagné ! Ça se voit rien qu’à la tête de Bill Clinton. »  Exemple d’image relayée par un compte identifié comme un « bot » russe par Twitter. / Twitter

Des milliers de comptes suspendus, des centaines de milliers de tweets supprimés, des millions de tentatives de connexion bloquées : c’est le tableau de chasse qu’a affiché la semaine dernière Twitter, qui devait rendre compte au Sénat américain.

Dans un rapport remis le 19 janvier au comité judiciaire du Sénat et rendu public, vendredi 26 janvier, Twitter détaille l’avancée de son enquête concernant les tentatives d’influence russes sur son réseau social entre le 1er septembre et le 15 novembre 2016, au plus fort de la campagne présidentielle ayant mené Donald Trump à la Maison Blanche.

D’après l’entreprise américaine, le nombre de traces de tentatives de manipulation imputables à l’Internet Research Agency (ou IRA, une organisation russe de diffusion de propagande proche du gouvernement) ou à de simples « bots » russes (des comptes programmés pour publier ou relayer automatiquement certains tweets) serait, en effet, plus important que ce qu’une première enquête avait initialement permis de déterminer cet automne.

4,25 % des retweets de Donald Trump étaient russes

D’après Twitter, l’IRA se cacherait ainsi derrière près de 4 000 comptes, se présentant souvent comme des médias, activistes, ou citoyens américains. Ils auraient publié au total 175 993 tweets, dont environ 15 000 tweets en lien direct avec l’élection.

Pour moitié, ceux-ci seraient des messages automatisés, quand d’autres seraient des réponses à d’autres utilisateurs, en particulier à des journalistes. Certains auraient même tenté d’organiser des manifestations, ou se seraient rendus coupables de harcèlement. Ils ont tous été suspendus entre-temps.

Twitter aurait plus largement identifié 50 000 « bots » créés en Russie, associés à des numéros de téléphone ou des adresses e-mails russes, ou dont le nom était en cyrillique, tout en reconnaissant les limites du système : 12 % des tweets publiés pendant l’élection l’étaient depuis des comptes, dont l’origine était intraçable.

Exemple d’une image relayée par un « bot » russe pendant la campagne. / Twitter

Ces tweets automatisés auraient globalement plutôt servi à Donald Trump. 4,25 % des retweets du candidat républicain (et 1,8 % de ses « j’aime ») ont ainsi été retracés jusqu’en Russie.

Mais la candidate démocrate a aussi bénéficié d’un coup de pouce de comptes russes. Dans une moindre mesure certes : 0,55 % des « RT » et « 0,62 % » des « j’aime » d’Hillary Clinton venaient à cette époque de Russie.

Des comptes comme@Wikileaks,@DCLeaks_ ou@GUCCIFER_2, artisans des « fuites » et de la diffusion des e-mails de John Podesta, directeur de campagne d’Hillary Clinton, ont, en revanche, très largement bénéficié de l’appui de « bots » de toutes origines (entre 48 et 73 % selon les comptes), y compris de certains qui ont pu être retracés jusqu’en Russie (3,48 % pour WikiLeaks).

Twitter évoque d’ailleurs le cas, sans le nommer, d’un compte russe qui fut, avec celui de WikiLeaks, le principal responsable de la propagation du mot-clé #PodestaEmails.

« Il est important de mettre ces chiffres en perspective »

Si Twitter reconnaît l’existence d’une tentative d’influence de l’élection, l’entreprise américaine tempère toutefois son succès.

« Il est important de mettre ces chiffres en perspective », rappelle, prudente, l’entreprise régulièrement pointée du doigt pour une modération jugée laxiste. Selon Twitter, ces comptes ne représentent « qu’une toute petite fraction de l’activité [du site] dans les dix semaines ayant précédé l’élection ». Une fraction de l’ordre de 0,016 %.

Les 50 000 « bots » russes identifiés seraient responsables, selon elle, de 1 % environ des tweets postés à propos de l’élection américaine et auraient, en outre, été deux fois moins lus que la moyenne des messages « classiques ».

Dans une note de blog du 19 janvier, Twitter a toutefois réaffirmé sa volonté de transparence, expliquant notamment avoir envoyé un e-mail aux près de 700 000 Américains ayant suivi ou interagi avec un des comptes liés à l’IRA durant la campagne électorale.

Twitter y explique également bloquer environ 523 000 tentatives de connexion frauduleuses par jour, qui concernent notamment les « bots ». Une tendance à la hausse : en décembre, la société a ainsi détecté 6,4 millions de tentatives louches par semaine.

Dans cette même note de blog, Twitter annonce ses plans pour l’année 2018, qui verra se tenir en novembre les élections de mi-mandat aux Etats-Unis. Le réseau social entend ainsi investir davantage dans l’intelligence artificielle pour détecter plus aisément les comptes frauduleux.