Manifestation contre la corruption dans le cadre du scandale Odebrecht, le 29 octobre 2017 à Saint-Domingue. / ERIKA SANTELICES / AFP

Vêtus de tee-shirts verts, des milliers de Dominicains ont manifesté, dimanche 28 janvier, face au palais présidentiel, pour dénoncer la corruption et l’impunité qui gangrènent cette république des Caraïbes. Un important dispositif policier avait été mis en place autour du palais et la manifestation s’est terminée sans incident.

Ce rassemblement marquait le premier anniversaire de la « Marche verte », un puissant mouvement citoyen né en réponse au scandale des pots-de-vin versés par l’entreprise brésilienne de travaux publics Odebrecht. Le scandale a éclaboussé la plupart des pays d’Amérique latine et plusieurs présidents ont été impliqués.

Bien qu’arrivant en troisième position, derrière le Brésil et le Venezuela, pour le montant des commissions – 92 millions de dollars (74 millions d’euros) – qu’Odebrecht a reconnu avoir versées, la République dominicaine n’a encore sanctionné aucun des bénéficiaires des pots-de-vin. Quatorze personnes, dont le ministre de l’industrie et du commerce, Juan Temistocles Montas, et des figures de l’opposition, ont été inculpées. Elles ont toutes été remises en liberté au bout de quelques semaines.

Consultations citoyennes

Jusqu’à présent, la seule sanction est venue de Washington. Angel Rondon, l’homme d’affaires dominicain responsable de la distribution des dessous de table, a été placé sur la liste noire du Trésor américain en vertu du « Global Magnitsky Act ». Son visa américain a été annulé et ses avoirs aux Etats-Unis, gelés.

Lors de son rassemblement dimanche, la Marche verte a exigé que le président dominicain, Danilo Medina, soit soumis à « un jugement politique par le Congrès national ». « Il existe suffisamment de preuves de surévaluations scandaleuses et de financement illicite de ses campagnes électorales par Odebrecht », proclamait le manifeste lu par la jeune porte-parole Geny Lozada à la fin de la manifestation. Elle a rappelé les liens entre le président Medina et « le délinquant international » Joao Santana. Principal stratège électoral de Danilo Medina, ce Brésilien a été condamné à huit ans de prison dans son pays pour corruption.

Le mouvement civique a réclamé la récupération des sommes volées dans les nombreux scandales de corruption restés impunis et « la condamnation effective des responsables ». La Marche verte a demandé des réformes constitutionnelles « garantissant la pleine indépendance du pouvoir judiciaire, du ministère public et de la Cour des comptes », ainsi que « la fin de l’utilisation de l’Etat comme agence de botellas [bouteilles, l’appellation dominicaine des emplois fictifs] ». Le mouvement citoyen a enfin réclamé un nouveau cadre juridique garantissant l’équité des élections et le financement transparent et contrôlé des campagnes.

En l’absence de réponse des autorités, la Marche verte a annoncé l’organisation de consultations citoyennes à partir du 11 février « pour intensifier la mobilisation sous la forme de grèves pacifiques, aux niveaux municipal, provincial et national ».

Des projets mis en péril

Le succès de la Marche verte a attisé les convoitises. Grâce aux réseaux sociaux, le mouvement a rapidement mobilisé les classes moyennes et les jeunes indignés par la multiplication des affaires de corruption. Des chefs d’entreprise connus se sont engagés, publiquement et financièrement. Au fil des mois, le travail pédagogique mené par les jeunes militants dans les quartiers pauvres et les provinces a élargi la base du mouvement. « Le petit-fils du dictateur Rafael Trujillo a essayé de venir ici pour montrer qu’il avait des partisans », dénonçait dimanche le journaliste Huchi Lora. Ramfis Trujillo-Dominguez, le petit-fils du sanglant despote, a en effet annoncé son intention de se présenter à la présidence.

L’impressionnant appareil de propagande au service du gouvernement s’est efforcé de discréditer la Marche verte. Sans succès jusqu’à présent. Le scandale Odebrecht met en péril la construction de centrales à charbon par la compagnie brésilienne, le projet phare du président Medina. Critiqué par les écologistes alors que les pays voisins misent sur les énergies renouvelables, ce projet, présenté comme le plus grand scandale de corruption de l’histoire dominicaine par l’opposition, se heurte à des problèmes de financement. D’autant qu’Odebrecht vient de réclamer une rallonge de plus de 700 millions de dollars pour le terminer.