Un participant au sommet pour la paix en Syrie brandit un drapeau officiel syrien, le 30 janvier à Sotchi, en Russie. / SERGEI KARPUKHIN / REUTERS

Déjà mal engagé, après la défection des principaux représentants de l’opposition, puis des Kurdes, le sommet pour la paix en Syrie qui s’est ouvert à Sotchi, mardi 30 janvier, sous l’égide de la Russie, a buté sur un obstacle supplémentaire inattendu. Alors que les délégations mandatées par le régime de Damas et par l’opposition proche de Moscou arrivaient les unes après les autres, lundi, dans la station balnéaire russe au bord de la mer Noire, les passagers d’un avion en provenance d’Ankara (Turquie) ont refusé de sortir de l’aéroport à la vue du drapeau officiel syrien présent sur tous les panneaux d’accueil dès leur descente d’avion.

Une longue nuit de tractations a alors commencé pour les quelque 70 opposants dépêchés par Ankara à Sotchi, comme une concession d’allié à allié, pour ne pas laisser trop dégarnis les rangs des principaux adversaires de Bachar Al-Assad. Selon une source turque, il s’agit d’opposants « venus à titre individuel » et non d’un groupe de l’Armée syrienne libre, comme la rumeur avait commencé à circuler.

Les organisateurs russes ont bien tenté de dénouer la crise, en proposant de refaire tous leurs badges d’accréditation au Congrès, également porteurs du drapeau. Les panneaux lumineux de l’aéroport ont été éteints. L’emblème honni a été prestement masqué à l’hôtel où devait descendre la délégation. Mais rien n’y a fait lorsque les passagers contrariés se sont rendu compte que toute la ville avait ainsi été pavoisée.

« Nous allons rentrer à Ankara »

A Sotchi, la nouvelle, qui s’était répandue dès lundi soir, a enflé. Des images surréalistes d’hommes épuisés, dormant à même le sol, dans une salle de l’aéroport, sont peu à peu apparues sur les réseaux sociaux. Puis une vidéo a été diffusée. « Les promesses que nous avaient faites les Russes n’ont pas été tenues (…) nous allons rentrer à Ankara », y annonce Ahmed Tomah, ex-premier ministre du gouvernement en exil de l’opposition, basé à Gaziantep, dans le sud de la Turquie, entouré d’un petit groupe d’hommes et de femmes porteurs des drapeaux de la rébellion syrienne, avec ses trois étoiles au lieu de deux. Ahmed Tomah dirigeait la délégation syrienne lors du dernier round de discussions parrainé par la Russie, la Turquie et l’Iran à Astana (Kazakhstan), en décembre 2017.

Mardi, le Congrès lui-même a ainsi commencé avec deux bonnes heures de retard, le temps pour le ministre des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, de persuader par téléphone son homologue turc, Mevlüt Cavusoglu, de tenter de convaincre les récalcitrants. Sans aboutir. La plupart des opposants sont remontés dans l’avion. « Ce n’est pas important, le Congrès continue », confiait, dans les couloirs, le vice-ministre des affaires étrangères iranien, Hossein Jaberi Ansari, en prenant à témoin la salle pleine à craquer du centre des expositions de Sotchi.

Mais une contrariété ne venant jamais seule, lorsqu’enfin la discussion s’est ouverte, quelques cris ont fusé, contraignant M. Lavrov à réclamer le calme, alors qu’il venait à peine d’achever la lecture d’une lettre de bienvenue du président russe, Vladimir Poutine. « Agresseurs ! », a lancé un homme. « Gloire à la Russie », lui a répondu un autre.