Des membres de la Fondation Abbé Pierre lors d’une opération de sensibilisation sur le mal-logement à Metz, le 6 décembre. / JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Une « érosion » des piliers du modèle français de protection. Dans son 23e rapport annuel, rendu public mardi 30 janvier, la Fondation Abbé Pierre conclut que quatre millions de personnes en France souffrent de mal-logement. Douze millions d’individus sont, par ailleurs, dans une situation de « fragilité » : logement surpeuplé, loyers impayés, menace d’expulsion, copropriétés en difficulté.

Si l’organisme salue le plan quinquennal pour le « logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme » présenté en septembre par l’exécutif, elle le juge non « compatible avec les coupes massives dans le budget » alloué au logement.

« Les premiers actes posés par le nouveau gouvernement s’en prennent frontalement tout d’abord au premier pilier du modèle de protection sociale liée au logement en France en fragilisant les APL et les HLM. »

La fondation évalue à 3,2 milliards d’euros par an à partir de 2020 le total des économies sur les aides personnalisées au logement (APL), qui concernent plus de six millions de ménages.

Dans son premier budget, le gouvernement a acté une baisse de 1,5 milliard sur trois ans des aides publiques aux locataires des HLM, dont 800 millions dès 2018, répercutée par des baisses de loyers des bailleurs sociaux. Une baisse générale de cinq euros des APL a en outre été mise en œuvre au premier octobre, ainsi qu’une suppression partielle du dispositif d’APL accession au 1er janvier 2018.

« L’ampleur de la ponction sur les recettes des organismes HLM est telle que l’on peut se demander si son effet ne sera pas de mettre en péril certains organismes HLM, mais aussi de fragiliser durablement le modèle lui-même », juge le rapport.

Logements surpeuplés

La Fondation Abbé Pierre met également en garde contre la suroccupation des logements, en hausse après plusieurs décennies de déclin. En 2013, 2,7 millions de ménages occupaient des logements surpeuplés, souligne l’organisme qui s’appuie sur les chiffres les plus récents de l’Insee.

Pour mesurer le surpeuplement, l’institut recense le nombre de pièces dévolues à chacun. Le postulat est le suivant : il faut une pièce à vivre, une chambre par couple et pour chaque adulte célibataire de plus de 19 ans, une pièce pour deux enfants de moins de 7 ans, quel que soit le sexe, et une autre pour de grands enfants mais de même sexe.

Entre 2006 et 2013, le nombre de personnes vivant en surpeuplement « modéré » – quand il manque une chambre par exemple – a augmenté de 11,5 % à 7,6 millions. Dans le même temps, les surpeuplements « accentués » – quand le manque est plus important – ont grimpé de 17,2 % avec 797 000 individus concernés.

Foyers de travailleurs migrants, chambres de bonne ou chambres d’hôtel, HLM ou logements du parc privé, locataires ou propriétaires… Le phénomène, qui touche essentiellement les plus précaires, se retrouve aussi chez les classes moyennes et les propriétaires.

« Double discours »

Pour le délégué général de la fondation, Christophe Robert, « une réorganisation majeure de la politique du logement » est nécessaire : « le nombre de personnes confrontées à la crise du logement continue d’augmenter. »

« Le gouvernement et le président de la République doivent redresser le tir et mener une vraie politique sociale », poursuit-il, avant de fustiger d’un côté « les suppressions de l’ISF, de la taxe d’habitation décidées par le gouvernement » et de l’autre côté des mesures qui fragilisent les outils de la solidarité

Enfin, la Fondation Abbé Pierre déplore « le sort indigne réservé à une partie des personnes migrantes en France », « une des causes majeures du sans-abrisme » et dénonce un « double discours, d’abord accueillant dans la bouche du président puis répressif dans celle du ministre de l’intérieur Gérard Collomb » sur le sujet.