Dans un Apple Store à Londres, en novembre 2017. / Peter Nicholls / REUTERS

La magie Apple aurait-elle cessé d’opérer ? Trois mois à peine après le lancement de l’iPhone X, début novembre 2017, la marque à la pomme a décidé, selon des témoignages réunis par le Wall Street Journal, mardi 30 janvier, de réduire de moitié la production de son dernier smartphone. Au lieu des 40 millions de pièces prévues, la firme de Cupertino ne se serait engagée auprès de ses fournisseurs que sur la production de 20 millions d’appareils au premier trimestre. « C’est toujours ce qu’ils font quand les ventes ne suivent pas », explique une source du quotidien américain. La veille, lundi 29 janvier, le journal économique japonais Nikkei avait déjà rapporté cette même information, précisant que « l’accroissement des stocks d’iPhone X a conduit la compagnie à sévèrement ralentir la production ».

Pour l’instant, Apple s’est refusé à tout commentaire. Mais le californien ne pourra pas éluder bien longtemps les explications : jeudi 1er février, il doit publier ses résultats pour le premier trimestre de l’exercice fiscal 2018, portant sur la période octobre-décembre 2017. Le groupe sera pressé de répondre aux questions sur les performances de son dernier produit, sur lequel il fondait de grands espoirs.

Sorti dix ans après le premier iPhone, adoptant un design en rupture avec ses prédécesseurs et de nouvelles technologies, le « X » devait donner un nouvel élan à la gamme. Comme à son habitude, l’américain avait savamment orchestré la sortie du produit et le PDG, Tim Cook, se félicitait, au moment du lancement, de « précommandes très fortes ».

Prix élevé

Pour comprendre l’écart entre l’enthousiasme des premières heures – porté par la communauté des « fans » d’Apple, qui vient grossir les files d’attente devant les magasins lors des lancements de nouveaux produits – et le constat qui semble aujourd’hui s’imposer, plusieurs explications peuvent être avancées.

Le prix, d’abord : vendu, hors avantages consentis par les opérateurs, entre 999 dollars et 1 149 dollars aux Etats-Unis (entre 1 159 euros et 1 329 euros en Europe), l’iPhone X n’est pas à la portée de toutes les bourses. De nombreux analystes ont exprimé des doutes sur la pertinence de ce positionnement tarifaire, d’autant que les gains apportés par le nouvel appareil en termes d’usages (déverrouillage par reconnaissance faciale, nouvelle génération d’émojis baptisés « animojis »…) ne sont pas manifestes.

A cela s’ajoute la décision d’Apple de lancer, fin septembre 2017, deux autres nouveautés, l’iPhone 8 et l’iPhone 8 Plus. Les consommateurs qui n’auraient pas eu la patience de supporter les délais de livraison de plusieurs semaines imposés lors du lancement, ou qui n’ont tout simplement pas voulu casser leur tirelire pour un nouveau smartphone, ont pu reporter leur choix sur ces appareils moins onéreux (à partir de 699 dollars ou 809 euros), mais toujours plus chers que leur prédécesseur (à partir de 649 dollars, 769 euros).

« Apple a persuadé les consommateurs de dépenser plus »

Cette donnée semble avoir été intégrée dans le logiciel d’Apple. Comme le signale Ian Fogg, analyste au cabinet IHS Markit, « le poids du dernier modèle phare de la marque a eu tendance, ces dernières années, à s’éroder dans le volume total des livraisons, car Apple maintient plus de modèles anciens et moins chers en vente ».

Ce qui ne s’est pas traduit par une baisse du montant moyen que les consommateurs ont consenti à débourser pour acheter les produits de l’américain. « Apple a régulièrement réussi à persuader les consommateurs de dépenser plus pour leur smartphone. C’est déjà la compagnie qui a le prix de vente moyen le plus élevé [du secteur], et nous nous attendons à ce que ce chiffre augmente encore ce trimestre, en raison de l’iPhone X », souligne M. Fogg.

Jeudi, il faudra scruter le volume global des ventes affiché par Apple, et ses prévisions pour le deuxième trimestre, pour juger de la pertinence des choix stratégiques de la société. D’autant que le groupe ne donne généralement pas de détails sur ses ventes, produit par produit. Lors de l’annonce des derniers résultats, le constructeur avait présenté des prévisions de 84 à 87 milliards de dollars pour le premier trimestre (contre 78 milliards, sur la même période l’année précédente). S’il y parvenait, ce serait un record historique pour l’entreprise.