Tribune. Choisir de ne pas investir dans une éducation de qualité pour toutes les filles et tous les garçons du monde serait en réalité une économie très coûteuse. Une récente étude menée par l’organisation que je dirige, l’ONG One, montre que, chaque jour, dans les pays en développement, on pourrait éviter le décès de 2 800 personnes si on améliorait l’accès à une éducation de qualité. De plus, offrir le même niveau d’éducation aux filles et aux garçons pourrait rapporter plus de 308 millions de dollars par jour aux pays les plus pauvres. C’est pourquoi nous ne devons pas prendre à la légère les investissements à réaliser pour faire respecter le droit de chaque enfant à apprendre à lire, écrire, compter et avoir accès aux informations essentielles sur la santé ou la nutrition, ou pour comprendre et façonner le monde et la société dans laquelle nous vivons tous.

Lire notre série consacrée à l’éducation : La classe africaine

Offrir une éducation de qualité à tous les enfants de la planète est indéniablement l’un des plus grands défis de notre époque. Mais c’est un combat que nous pouvons et devons mener de front.

Réduire l’extrême pauvreté

Investir dans une éducation primaire et secondaire de qualité peut être extrêmement fructueux sur le long terme, au-delà des bénéfices que cela apporte à chaque enfant individuellement. L’éducation permet de réduire l’extrême pauvreté, est vecteur de prospérité économique, aide à l’émancipation des femmes et des filles, améliore la santé et soutient la paix et la sécurité.

Pourtant, trop nombreux sont les chefs d’Etat qui traînent des pieds et tardent à répondre à cette crise mondiale de l’éducation. Mais ce vendredi 2 février, à Dakar, ils auront l’occasion de changer la donne lorsqu’ils assisteront à la conférence de reconstitution du Partenariat mondial pour l’éducation (PME). Il est temps que nos dirigeants comprennent que chaque année qu’un enfant passe sans aller à l’école n’est pas seulement une opportunité gâchée pour cet enfant, mais aussi une grande perte pour le monde entier.

La bonne nouvelle, c’est que nous savons comment relever ce défi historique et mettre fin à cette situation d’urgence.

Les chefs d’Etats africains que j’ai rencontrés au sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba en Ethiopie il y a quelques jours ont bien compris la gravité de la situation. Ils agissent en conséquence et déploient les efforts budgétaires pour atteindre l’objectif défini par le PME d’allouer 20 % de leurs ressources domestiques à l’éducation, et apportent les changements nécessaires à leurs politiques éducatives. Ils sont parfaitement conscients des opportunités à saisir pour relever les défis qui les attendent : la population africaine va doubler d’ici à 2050, et la jeunesse du continent sera dix fois plus nombreuse que la jeunesse européenne.

Réduire les inégalités de genre

Prenons pour exemple le Sénégal, qui a récemment augmenté ses investissements dans l’éducation, en particulier pour les filles, et a amélioré le suivi de ces dépenses. Ce pays est aussi le co-organisateur de la conférence de reconstitution du PME, avec la France, ce qui en fait un événement véritablement historique, puisque c’est la première fois qu’une conférence de reconstitution des financements d’une organisation internationale aura lieu sur le continent africain. Celui-ci pourrait véritablement changer la donne. S’il est financé à hauteur des besoins, le Partenariat mondial pour l’éducation pourrait permettre à 26 millions d’enfants supplémentaires de finir leur scolarité, à 1,7 million de nouveaux professeurs d’être formés, et à 23 000 salles de classes de voir le jour d’ici à 2020.

Mais ce n’est pas tout. Si nous faisons ce qu’il faut pour faire face à cette crise de l’éducation, nous en profiterons tous. Si toutes les filles terminaient l’école primaire en Afrique subsaharienne, la mortalité infantile pourrait chuter de 70 %. Au niveau mondial, réduire les inégalités de genre à l’école pourrait rapporter entre 112 et 152 milliards de dollars aux pays en développement.

C’est très simple : si nous investissons, cela rapportera. Nous y gagnerons un monde en meilleure santé, un monde plus sûr, un monde plus riche, bref, un monde meilleur. Au contraire, si nous n’investissons pas, cela nous coûtera cher. Nous avons tout cela à y perdre, mais nous y perdrons également tous ces avenirs brillants qui pourraient éclairer le monde.

Pourtant, malgré tous ces bénéfices que nous connaissons, les investissements dans le secteur de l’éducation ont reculé au cours des dix dernières années. La question qui se posera le 2 février à Dakar sera donc de savoir si les dirigeants du monde sont prêts à faire le bon choix et à investir massivement pour une éducation de qualité dans les pays les plus pauvres. Parce qu’ils ont tout à perdre s’ils ne le font pas.

Gayle E. Smith, Présidente et Directrice internationale de l’ONG One, a précédemment occupé le rôle d’adjointe spéciale auprès de Barack Obama et de Bill Clinton, de directrice principale pour le développement et la démocratie au Conseil national de sécurité, où elle a aussi été directrice des affaires africaines. Gayle E. Smith a également fondé le programme de sécurité durable au Center for American Progress, et a co-fondé le projet ENOUGH ainsi que le Modernising Foreign Assistance Network.