Il est des mensonges qui vous collent à la semelle comme un chewing-gum, et pèsent à vie sur votre CV. Laurent Wauquiez le sait et cherche depuis deux ans à prouver qu’entre lui et sœur Emmanuelle, icône de la charité mondiale, s’était nouée une solide amitié. Vendredi 2 février, le chef des Républicains participera ainsi dans son fief du Puy-en-Velay à un déjeuner-débat organisé par une petite association locale, Opération orange de sœur Emmanuelle, créée en 1989 et soucieuse d’aider des gamins dénutris. Au programme du déjeuner-débat, la grande « action » caritative que lancera dans quelques semaines en Haute-Saône sœur Sarah, religieuse copte orthodoxe qui poursuit l’action de la « petite sœur des pauvres » dans le bidonville de Mokattam, à l’est du Caire.

L’affaire remonte à une quinzaine d’années. Soucieux de sa légende, le nouvel élu Wauquiez déroulait alors les détails de sa vie dans livres et journaux. « Avec sœur Emmanuelle, j’ai passé plusieurs mois en Egypte, à l’occasion d’un stage de l’ENA, racontait-il. Quand elle me voyait, elle me regardait droit dans les yeux et me disait : “Mon petit Laurent, qu’as-tu fait de bon depuis que je t’ai vu ?” »

« Laurent voulait la rencontrer »

Fin 2007, inquiet sans doute d’être confronté un jour à ses propres déclarations, le tout frais porte-parole du gouvernement Sarkozy demande à Mgr Rey d’organiser une rencontre avec la fondatrice des chiffonniers du Caire. « Laurent voulait la rencontrer », confie l’évêque ultra-conservateur de Toulon. Dans sa maison de retraite varoise de Callian, sœur Emmanuelle, 99 ans, est sous oxygène, dans un fauteuil roulant. Une photo de l’homme politique et de la sainte femme est pourtant prise : elle doit attester de leur compagnonnage. Après la mort de la religieuse, quelques mois plus tard, le cliché trônera dans le bureau ministériel de Laurent Wauquiez et viendra illustrer son ascension politique dans les pages des magazines.

Mais voilà qu’en 2016, la directrice générale d’Asmae, l’association de solidarité internationale de Sœur Emmanuelle explique sur France 2 qu’elle ne conserve aucun souvenir de l’amitié du ministre et de la religieuse. « Sœur Emmanuelle ne m’a jamais parlé de lui, détaille au Monde Catherine Alvarez, qui a travaillé avec la petite Sœur des pauvres de 1991 à 2008. Je n’ai même aucune certitude qu’il l’ait croisée avant cette fameuse photo. »

Laurent Wauquiez l’appelle pour lui reprocher ces propos tenus sur France 2 et lui propose d’aider Asmae, mais Mme Alvarez ne donne pas suite et refuse tout rendez-vous. Informée de l’opération qui se prépare vendredi sous le parrainage du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et d’Opération orange, elle insiste : « Aucun lien avec nous. L’association locale est totalement indépendante d’Asmae, et je ne suis pas sûre que les opinions de M. Wauquiez auraient été du goût de sœur Emmanuelle. »