Un panneau sur lequel est écrit « Stop ! » en allemand et polonais dans le camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne. / KACPER PEMPEL / REUTERS

Le Sénat polonais a voté dans la nuit du mercredi 31 janvier au jeudi 1er février une loi controversée sur la Shoah. Pour entrer en vigueur, celle-ci doit encore être signée par le président Andrzej Duda. Destinée à défendre l’image du pays, la mesure a irrité Israël et fait l’objet d’un sérieux avertissement des Etats-Unis.

Ce texte risque d’avoir des « répercussions » sur « les intérêts et relations stratégiques de la Pologne », a mis en garde la porte-parole du département d’Etat Heather Nauert, estimant que d’éventuelles divisions entre alliés « ne profiteraient qu’à nos rivaux ». Elle a appelé la Pologne « à réexaminer la loi à la lumière de ses possibles conséquences sur la liberté d’expression et sur notre capacité à être de bons partenaires ».

La loi punit par des amendes ou des peines de prison allant jusqu’à trois ans de réclusion ceux qui attribuent « à la nation ou à l’Etat polonais » des crimes commis par les nazis en Pologne occupée. Aux yeux des conservateurs au pouvoir dans le pays, il s’agit en priorité d’empêcher qu’on utilise l’expression « camps de la mort polonais » à propos de ceux installés par le IIIe Reich dans le territoire.

« Conduit à falsifier l’Histoire »

Les responsables israéliens s’émeuvent surtout d’un passage où ils voient une tentative de nier la participation de certains Polonais à l’extermination des Juifs, voire la possibilité de poursuivre des survivants de la Shoah qui évoqueraient de tels cas.

Après l’adoption du projet de loi par la chambre basse vendredi, le premier ministre de l’Etat hébreu Benyamin Nétanyahou a vivement protesté : « Nous ne tolérerons pas qu’on déforme la vérité et réécrive l’Histoire ou qu’on nie l’Holocauste. » Mais le Sénat a adopté le texte sans le modifier.

A Varsovie, une centaine d’artistes, journalistes et hommes politiques polonais – parmi lesquels la réalisatrice Agnieszka Holland ou encore l’ancien président de gauche Aleksander Kwasniewski – ont signé un appel demandant que le texte soit amendé afin d’en éliminer la pénalisation des expressions blessantes pour la Pologne. Ils ont exhorté l’opinion publique de « maîtriser les émotions, pour le bien commun que sont la vérité et le dialogue polono-israélien depuis un quart de siècle ».

Un groupe de Juifs polonais a également publié une lettre ouverte pour dénoncer une loi qui « peut conduire à pénaliser ceux qui disent la vérité sur les délateurs polonais et ces citoyens polonais qui assassinaient leurs voisins juifs ». Elle « limite non seulement la liberté d’expression, mais avant tout conduit à falsifier l’Histoire ».

6 700 Polonais « Justes parmi les nations »

La Pologne occupée par l’Allemagne nazie fut le seul territoire où les Allemands décrétèrent que toute sorte d’aide aux Juifs était passible de la peine de mort. Le site du mémorial Yad Vashem à Jérusalem, dédié à la mémoire de la Shoah, recense 6 700 Polonais distingués comme « Justes parmi les nations ». Six millions de Polonais, dont trois millions de Juifs, ont été tués pendant la seconde guerre mondiale.