Violentes bagarres entre migrants à Calais : Gérard Collomb s’est rendu sur place
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Au lendemain des rixes qui ont éclaté entre migrants à Calais, jeudi soir 1er février, faisant 22 blessés, dont cinq par balles, le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, a affirmé que ces violences étaient dues aux passeurs, pointant du doigt des « chefs de bandes qui entraînent autour d’eux ». Ces événements, d’un « degré de violence jamais connu », selon le ministre, sont les plus graves depuis le 1er juillet 2017, lorsque des bagarres interethniques avaient fait 16 blessés, dont un grave.

Vincent de Coninck est chargé de mission au Secours catholique de Calais depuis huit ans. Pour lui, ces événements sont le résultat d’une violence latente au sein des communautés de migrants.

Selon le ministre de l’intérieur, les protagonistes de cette rixe seraient des passeurs. Avez-vous eu les mêmes informations sur place ?

Vincent de Coninck : La première rixe a eu lieu aux abords de l’hôpital [le centre hospitalier de Calais]. Elle est liée à une logique de territoires donc, oui, à des passeurs qui se battent pour le contrôle des voies de passage.

Ces premières violences ont éclaté entre des passeurs ; des Afghans s’en sont pris à des Erythréens et des Ethiopiens. Ces derniers sont ensuite revenus plus nombreux et certains migrants ont pris part à la bagarre sans savoir pourquoi. Mais toute cette violence est un déversoir, comme si un couvercle sautait d’un coup.

Comment expliquez-vous ces actes ?

La violence, qui est au départ liée à des logiques de territoires, éclate et rassemble beaucoup de monde. Les conditions dans lesquelles ces personnes vivent provoquent aussi beaucoup de tensions. Il y a une logique sécuritaire du gouvernement, et des violences sont faites quotidiennement sur ces personnes, la destruction des abris est systématique, ce matin encore j’en ai vu.

Je ne nie pas le rôle des passeurs. Mais si le gouvernement se décidait à mettre en place des voies de passage légales, cela pourrait permettre de casser leur système. C’est le seul moyen de lutter contre les violences. On ne nie pas la violence sur place, ni les réseaux de passeurs, c’est même une priorité pour nous aussi de lutter contre, mais cela doit passer par la création de voies de passage légales.

La multiplicité des communautés sur place joue-t-elle un rôle également ?

Avant la visite d’Emmanuel Macron [le 16 janvier à Calais], on observait un équilibre dans les communautés présentes sur place, mais cette visite a rompu cet équilibre. A partir de là, de nouveaux migrants sont arrivés à Calais, c’est ce qui a créé un déséquilibre dans les communautés.

Il est difficile de donner un chiffre précis, mais les origines des personnes présentes sont surtout afghanne, éthiopienne, érythréenne ou soudanaise. Les personnes provenant de la Corne de l’Afrique sont sûrement plus nombreuses que les Afghans. Mais on a vu aussi arriver quelques Kurdes, mais ils ne sont pas très nombreux. Depuis la visite d’Emmanuel Macron, on a vu passer la population de 500 à environ 800 personnes.

Quand on voit arriver autant de personnes en quatre jours, la proportion n’est plus respectée. Ce qui fait que les réseaux cherchent à se réapproprier des territoires.

Comment expliquez-vous ce nouvel afflux ?

A cause du traité de Sandhurst [signé le 18 janvier entre la France et le Royaume-Uni], en partie, et à cause de la mauvaise communication des autorités. Il y a eu un effet combiné de deux facteurs : les annonces faites dans la presse après le passage d’Emmanuel Macron à Calais, qui ont été mal comprises, et la gestion de la préfecture. Des déplacements de mineurs à qui la préfecture promet des possibilités d’étude par exemple, ce qui crée une bouffée d’espoirs aux mineurs et un appel d’air.