LES CHOIX DE LA MATINALE

En cette fin de semaine, pourquoi ne pas aller voir les impressionnantes marionnettes en papier de la compagnie Les Anges au plafond au Mouffetard ; écouter du jazz au Sunset Sunside avec le trio de Pierre de Bethmann ; se frotter à des performances mutantes à la Gaîté-Lyrique ; entendre des contes venus de différents pays au Centre Mandapa ; assister à des récitals de piano à Lyon, Aix et Paris ; découvrir France-fantôme, une pièce de science-fiction écrite et mise en scène avec brio par une jeune femme, Tiphaine Raffier, au Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis ; admirer les images de Nino Migliori à la Maison européenne de la photographie.

MARIONNETTES. Les Anges au plafond donnent vie au papier au Mouffetard, à Paris

Camille Trouvé et Brice Berthoud, les cofondateurs de la compagnie Les Anges au plafond, excellent dans l’art de donner vie à une multitude de créatures en papier (et en tissu). Mais la légèreté des personnages qui peuplent leurs spectacles va de pair avec une certaine gravité dans les sujets abordés.

Après la tragédie grecque (Une Antigone de papier, 2007, et Au fil d’Œdipe, 2009) et le destin hors norme de la sculptrice Camille Claudel, à mi-chemin entre création et folie (Les Mains de Camille, 2012, et Du rêve que fut ma vie, 2014), ils se sont intéressés à la vie éminemment romanesque de l’écrivain Romain Gary (alias Emile Ajar) dans R.A.G.E (2015).

Et, dans leur dernière création en date, White Dog, à l’affiche au Mouffetard jusqu’au 11 février, ils ont adapté l’un de ses récits autobiographiques, Chien blanc, publié en 1970. Le romancier y raconte comment avec son épouse, l’actrice Jean Seberg, ils ont recueilli un chien errant, Batka, en apparence très affectueux mais qui va révéler un visage terrifiant.

Cette réflexion toujours d’actualité sur la haine et le racisme, sur fond de lutte pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis dans les années 1960, est habilement servie par les marionnettes et la mise en scène de Camille Trouvé, par l’interprétation (et manipulation) de Brice Berthoud et Tadié Tuéné (avec Yvan Bernardet), sans oublier la musique jazz jouée en direct par le compositeur et batteur Arnaud Biscay. Cristina Marino

« White Dog », jusqu’au 11 février, du mardi au samedi à 20 heures, le dimanche à 17 heures. Par la compagnie Les Anges au plafond. Le Mouffetard-Théâtre des arts de la marionnette, 73, rue Mouffetard, Paris-5e. Tél. : 01-84-79-44-44. Tarifs : 12 €, 14 € et 18 €.

CONCERT. Du jazz avec le trio de Pierre de Bethmann au Sunset Sunside, à Paris

2017 / P2B Trio @ Recall Studio / Teaser - Essais, Volume 2
Durée : 03:16

Publié début janvier, Essais volume 2 (Aléa/Socadisc), deuxième album du trio du pianiste Pierre de Bethmann avec le contrebassiste Sylvain Romano et le batteur Tony Rabeson, rassemble plusieurs compositions qui viennent de la musique classique, du jazz et de la chanson. Par exemple Forlane, l’allegretto de la suite Le Tombeau de Couperin, de Ravel, Je bois, d’Alain Goraguer, Miss Ann, d’Eric Dolphy, Belle-Île-en-Mer, Marie-Galante, de Laurent Voulzy. Un répertoire qui sera présenté, avec probablement des extraits d’un précédent album, sorti en 2015, au Sunset Sunside, à Paris, vendredi 2 et samedi 3 février. Un trio tout en connivences, attentions mutuelles, dont émanent élégance du jeu, émotion musicale, épanouissement swing. Sylvain Siclier

Sunset Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Mo Châtelet, Les Halles. Tél. : 01-40-26-46-60. Vendredi 2 et samedi 3 février, à 21 h 30. Tarif : 25 €.

PERFORMANCE & NUMÉRIQUE. Le festival Sors de ce corps ! à la Gaîté-Lyrique, à Paris

NÉMO

Corps augmenté, asservi ou remplacé par la technologie ? Avec ce tout premier festival conjoint, intitulé Sors de ce corps !, la Gaîté-Lyrique et Némo, la Biennale internationale des arts numériques, ont choisi d’explorer ensemble les mutations de la scène, de la musique et des arts à l’ère de la connectivité.

Pour ce week-end d’ouverture du festival, sept déroutantes expériences sensorielles sont à découvrir. Avec Artefact, de Joris Mathieu, le spectateur explorera un organisme scénique post-humaniste, entre marionnettes virtuelles et décors en 3D autogénérés. Dans #SHAKE_ME, de Frédéric Deslias, une interface numérique leur permettra de faire danser un performer grâce à des impulsions électriques… Jusqu’où ? For Morton Feldman, d’Halory Goerger, questionnera la notion de musique de confort, dont on a besoin mais que l’on n’écoute pas, tandis que l’installation Tracing Sites, du collectif Couch, jouera sur l’hybridation entre monde virtuel et espace physique.

Le samedi, deux autres rendez-vous sont au programme : YKIMNAR, l’un des dispositifs de « rencontres sans risque » de GK Collective (entrée libre), et une soirée électro et visuelle élaborée sur un axe Bristol-Berlin (James Ginzburg, MFO, Roly Porter, Emptyset). Le dimanche, l’accès à l’installation fixe #Softlove (Prélude), de Frédéric Deslias, où, allongés dans des transats, un casque sur les oreilles, les spectateurs ont accès aux pensées d’une « intelligence artificielle amoureuse » (accès libre). Emmanuelle Jardonnet

La Gaîté Lyrique, 3 bis, rue Papin, Paris 3e. Parcours à 19 heures, 20 h 30 et 21 h 35 le vendredi 2, à 15 heures, 16 h 30 et 17 h 35 le samedi 3 (17 €, 14 € tarif réduit). Concert dans la grande salle, samedi 3 à 19 h 30 (18 €).

RÉCITS EN MUSIQUE. Le Centre Mandapa vit au rythme des contes (d’hiver), à Paris

La musicienne Hô Thuy Trang et la conteuse Isabelle Genlis dans « Tam et Cam ». / WWW.ISABELLEGENLIS.FR

Depuis le 7 janvier, le Centre Mandapa (Paris 13e), créé en 1975 par Milena Salvini et Roger Filipuzzi, propose la 37e édition de son festival annuel consacré aux arts de la parole, baptisé « Contes d’hiver ». Plusieurs spectacles sont à l’affiche ce week-end pour montrer à ceux qui en doutent encore que les contes ne s’adressent pas qu’aux enfants.

Dès le vendredi 2 février, à 20 h 30, la conteuse Isabelle Genlis accompagnée par la musicienne Hô Thuy Trang (à la cithare) présente Tam et Cam, une version pour adultes de la célèbre histoire de Cendrillon, dans sa variante vietnamienne, avec notamment l’intervention du Bouddha à la place des fées. Le samedi 3 au soir, place à une (petite) veillée, de 20 heures à 22 h 30, avec les Contes à emporter narrés par Catherine Zarcate, et sa ribambelle d’histoires en tous genres.

Enfin, le dimanche 4, deux spectacles vont se succéder, l’un à 15 heures, Qui a réveillé le printemps ?, de et avec le conteur et danseur Nicolaï Boldaev autour de la tradition orale de sa Mongolie natale (contes kalmouk) et l’autre à 18 heures, Ma vie tient à un fil… d’histoires !, un florilège de récits orchestré par le collectif Contes à croquer. De quoi largement combler vos oreilles durant trois jours. C. Mo.

37e festival « Contes d’hiver ». Centre Mandapa, 6, rue Wurtz, Paris-13e. Tél. : 01-45-89-99-00. Jusqu’au dimanche 11 février. Tarifs : 14 €, 16 €, 18 € et 20 €, possibilité d’un abonnement pour cinq soirées à 60 € (tarif réduit : 45 €).

MUSIQUE. Récitals de piano à Lyon, Aix et Paris

Le pianiste Rafal Blechacz. / MARCO BOGGREVE

Un Polonais, un Belge et un Russe sont à l’honneur dans l’Hexagone ce week-end, une trilogie pianistique d’exception qui va de Lyon à Paris en passant par Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).

Estampillé chopinien depuis sa victoire en 2005 au prestigieux Concours Chopin de Varsovie (à 20 ans), Rafal Blechacz ne s’est pas laissé enfermer. S’il joue bien sûr la musique de son illustre compatriote, c’est avec Mozart, Beethoven et Schumann qu’il ouvrira son récital lyonnais le 2 février, avant de se produire dix jours plus tard à la Philharmonie de Paris.

Le blond Julien Libeer fait partie des rares artistes cooptés par Maria Joao Pires, avec laquelle il a beaucoup joué. Le 3 février, il faudra courir l’entendre Salle Cortot, à Paris, dans un programme éclectique, où son jeu imaginatif et raffiné devrait s’épanouir (Lipatti, Ravel, Berg et Richard Strauss).

Quant à Nikolaï Lugansky, c’est un hôte régulier des grandes salles françaises. Celui que l’on a surnommé « le tsar du piano » fera escale au Grand Théâtre d’Aix-en-Provence le 4 février, avant de regagner le Théâtre des Champs-Elysées, à Paris, deux jours plus tard. Au programme, Schumann (L’Humoresque, les Scènes d’enfant) et surtout Rachmaninov (Préludes), dont il est l’un des interprètes actuels les plus brillants. Marie-Aude Roux

Récital Rafal Blechacz. Auditorium de Lyon. Le 2 février à 20 heures. Tél. : 04-78-95-95-95. Tarifs : de 16 € à 48 €. Philharmonie de Paris, Paris-19e. Le 12 février à 20 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. Tarifs : de 10 € à 65 €.

Récital Julien Libeer. Salle Cortot, Paris-17e. Le 3 février à 20 h 30. Tél. : 01-47-63-47-48. Tarifs : de 10 € à 20 €.

Récital Nikolaï Lugansky. Grand Théâtre de Provence à Aix-en-Provence. Le 4 février à 17 heures. Tél. : 08-20-13-20-13. Tarifs : de 9 € à 43 €. Théâtre des Champs-Elysées, Paris-8e. Le 6 février à 20 heures. Tél. : 01-49-52-50-50. Tarifs : de 5 € à 75 €.

THÉÂTRE. Bienvenue au XXVe siècle au Théâtre Gérard-Philipe, à Saint-Denis

« France-fantôme », de Tiphaine Raffier. / SIMON GOSSELIN

Les pièces de science-fiction sont très rares au théâtre. Il y a bien celles de Ray Bradbury, maître ancien du genre, mais elles ne sont quasiment jamais jouées. Une jeune femme, Tiphaine Raffier (31 ans), relève avec brio le défi.

Avec France-fantôme, elle écrit une pièce dans la lignée de la hard science-fiction gothique d’aujourd’hui. Nous voilà téléportés au XXVe siècle, dans une France où l’on meurt toujours, mais où on peut renaître sous une autre enveloppe. Cette trame permet à Tiphaine Raffier de soulever les questions du transhumanisme, de l’homme augmenté, de la dictature sécuritaire et du statut de l’image.

Signée par l’auteure, la mise en scène ajoute au plaisir : enlevée, pulsée par la musique, elle capte l’intérêt, malgré quelques petites longueurs, à mettre sur le compte des péchés de jeunesse. Brigitte Salino

« France-fantôme », de et mis en scène par Tiphaine Raffier. Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, 59, boulevard Jules-Guesde, Saint-Denis). Mo : Saint-Denis-Basilique. Tél. : 01-48-13-70-00. Vendredi et samedi à 20 heures. Durée : 2 h 30.

PHOTOGRAPHIE. Les expérimentations à tout-va de Nino Migliori à la MEP, à Paris

Nino Migliori, série « Il luoghi di Morandi », 1985. / NINO MIGLIORI

Ça commence comme l’exposition d’un photographe classique, dans la vogue humaniste des années 1950. Un corps de plongeur tendu vers l’azur, des enfants qui s’égaillent dans les rues de Bologne.

Mais Nino Migliori, dès cette époque, n’a jamais cessé d’expérimenter avec la photographie. Et la rétrospective présentée à la Maison européenne de la photographie (MEP) surprend par sa richesse et son inventivité : il décompose le mouvement des oiseaux en découpant les détails d’une image, il joue avec des gouttes d’eau, il ajoute du sable pour photographier des graffitis sur le mur et expérimente avec les couleurs des Polaroid. Le tout pour donner toujours plus de matière aux images, sans jamais perdre de vue la réalité, juste pour la rendre plus présente et tangible. Claire Guillot

Maison européenne de la photographie (MEP), 5-7, rue de Fourcy, Paris 4e. Jusqu’au 25 février. Du mercredi au dimanche, de 11 heures à 19 h 45. Tarifs : 5 € et 9 €.