Documentaire sur Arte à 23 heures

La révolution musicale actuelle vient de là, du fond des ruelles sombres de plusieurs bidonvilles africains. A l’origine, un mix des styles traditionnels avec des rythmes et des sons électro urbains. Comme le montre le premier volet de la série documentaire Fonko, la révolution musicale africaine, la fusion des sons et des époques a notamment donné naissance au kuduro et à l’azonto, deux styles qui inspirent des producteurs et des DJ américains tels que Diplo, qui a notamment collaboré avec Beyoncé et Major Lazer. Ils rythment les clubs new-yorkais ou californiens sur des tonalités africaines.

Le kuduro (« cul dur », en portugais) est né au milieu des années 1990 dans les bas-fonds de Luanda, la capitale angolaise. « Il vient des marginaux, des drogués et des moins-que-rien, explique la chanteuse Neneh Cherry, qui commente le documentaire. Les gens avaient besoin de se défouler. » Ce style musical débridé est aussi perçu comme un moyen d’échapper à la délinquance dans un pays où les inégalités sociales sont béantes, et dont la capitale est ­considérée comme la ville la plus chère du monde à cause de milliers d’expatriés travaillant dans des compagnies pétrolières occidentales – l’or noir étant la principale ressource de l’Angola. « Ce style musical est surtout le résultat du manque de matériel causé par la guerre civile [qui a frappé le pays de 1975 à 2002], rappelle le chanteur Sebem, pionnier dans les années 1990. Aujourd’hui, même un fils de ministre chante du kuduro. »

Neneh Cherry prête sa voix au documentaire de Lamin Daniel Jadama et Lars Lovén. / © KIM HIOTHOY

Ce style subit un peu plus tard les influences de la house music. On l’appelle alors parfois afro-house. Il va faire le tour du monde en 2006 quand le groupe portugais Buraka Som Sistema, originaire de Buraka, une banlieue dure de Lisbonne dans laquelle vit une forte communauté africaine, sort son premier album : From Buraka to the World.

Le kuduro se fait le porte-parole des sans-voix, principalement dans les pays lusophones, du Mozambique au Cap-Vert en passant par le Brésil. Le message qu’il diffuse est souvent politique. Le documentaire, réalisé en 2014, explique la répression qui frappe les artistes angolais qui critiquent le régime autoritaire de José Eduardo dos Santos, au pouvoir depuis 1979, qui a cédé la main en septembre 2017 à Joao Lourenço. On peut regretter de ne pas connaître la perception des artistes angolais sur ce changement…

« Uncle Obama »

Le Ghana, pays anglophone d’Afrique de l’Ouest, a connu plusieurs alternances politiques et le pays est réputé pour sa stabilité. L’azonto, le deuxième style musical présenté dans le film, use de l’ironie, de la parodie. Il succède au highlife, ancêtre de l’afrobeat, qui a dominé la scène musicale ghanéenne durant le XXe siècle, à base de percussions et de chants, puis au hip-life, auquel on ajoute un soupçon de hip-hop.

Les textes sont parfois légers et drôles. L’un des tubes de l’azonto est signé Sister Deborah, sœur de Wanlov, un célèbre chanteur local. Uncle Obama était destiné au départ à un cercle amical, mais son clip s’est propagé sur les réseaux sociaux jusqu’à être diffusé sur CNN en 2012, pendant un débat entre le président américain et le républicain Mitt Romney. Les paroles : « Uncle Obama, I like the size of your banana… »

Fonko, la révolution musicale africaine, de Lamin Daniel Jadama et Lars Lovén (Suède, 2014, 3×53 min).