Jude Law incarne Albus Dumbledore dans le second opus des « Animaux fantastiques ». / WARNER BROS. / Jaap Buitendijk

L’homosexualité d’Albus Dumbledore sera-t-elle mise en scène dans le prochain film de l’univers Harry Potter ? « Pas explicitement », a répondu David Yates, son réalisateur, au magazine américain Entertainment Weekly, mercredi 31 janvier. Il n’en fallait pas plus pour déclencher un torrent d’indignation sur Internet.

Albus Dumbledore est un des personnages les plus importants et les plus aimés de la saga Harry Potter. Il est le directeur de Poudlard, où étudie le jeune héros, mais aussi l’un des sorciers les plus puissants au monde. En 2007, après la sortie du septième et dernier tome des aventures de Harry Potter, son auteure, J. K. Rowling, avait déclaré lors d’une conférence qu’elle avait « toujours pensé que Dumbledore était gay ». Des propos qui avaient mis fin à des années de spéculations : si, dans les livres, l’homosexualité de Dumbledore n’est jamais évoquée, son passé fait mention d’une relation très fusionnelle avec un autre sorcier d’envergure, Gellert Grindelwald. Fusionnelle et donc amoureuse, avait finalement révélé J. K. Rowling.

« La voie de la lâcheté »

La polémique actuelle ne concerne pas Harry Potter à proprement parler, mais la série de films Les Animaux fantastiques. Celle-ci se déroule dans le même univers, quelques décennies plus tôt, et son scénario est cosigné par la romancière britannique. Le premier film est sorti en 2016 et le deuxième est prévu pour la fin de l’année. Grindelwald, interprété par Johnny Depp, y tiendra un rôle important. Et les fans ont appris avec délectation que Dumbledore serait aussi à l’affiche, sous les traits de Jude Law.

Enfin, l’histoire d’amour entre les deux personnages allait être racontée ! Enfin, Albus Dumbledore allait pouvoir vivre et affirmer sa sexualité dans l’univers officiel – et non plus seulement dans les milliers de fanfictions, ces récits écrits par des fans, qui le mettent en scène.

La déclaration de David Yates a mis fin à leurs espoirs ; du moins pour le deuxième épisode de cette série. « Mais je pense que tous les fans sont au courant », a poursuivi le réalisateur britannique dans les colonnes d’Entertainment Weekly : « Ils sont tombés amoureux l’un de l’autre, de leurs idées et de leurs idéologies. »

Dans ce cas, « pourquoi est-ce qu’ils ne peuvent pas tout simplement laisser Dumbledore être gay ? », s’interroge dans une chronique un journaliste du Guardian, le prestigieux quotidien britannique.

« Pour des raisons évidentes, il paraît malin, politiquement et financièrement, que ces films puissent se débarrasser du problème avec un personnage qui serait gay sans que cela ne soit jamais montré, comme ce que les sept livres et huit films ont déjà fait. »

Sur les réseaux sociaux, la colère s’exprime plus brutalement. « Si ce n’était pas encore clair : Rowling a dit que Dumbledore était gay il y a toutes ces années simplement pour essayer d’éviter les critiques à cause du manque de diversité [dans Harry Potter] », déplore un internaute. Certains vont jusqu’à la traiter d’« hypocrite » : J. K. Rowling affiche souvent son soutien aux causes féministes et LGBTQ (lesbienne, gay, bisexuel, transgenre, queer).

« Elle a choisi la voie de la lâcheté : elle n’est pas une alliée LGBTQ », a tweeté un compte britannique suivi par plus de 126 000 abonnés. « Rowling se moque des personnes queers qui voulaient simplement être un peu représentées », a regretté une militante trans.

J. K. Rowling réplique

La question des personnages homosexuels dans la culture pop préoccupe une grande partie de certains fandoms, les communautés de fans. Ils sont nombreux à estimer que les films et les séries grand public devraient plus souvent faire apparaître des histoires d’amour homosexuelles, pour mieux représenter la société. Qui plus est, certaines œuvres sont accusées de « queerbaiting », c’est-à-dire d’avoir volontairement fait miroiter à ces fans très engagés, pour les tenir en haleine, la possibilité d’une romance homosexuelle entre deux personnages… qui n’arrivera jamais.

J. K. Rowling a fini par répondre à cette polémique dans un tweet exaspéré, accompagné d’une image animée :

« Me faire insulter à propos d’une interview à laquelle je n’ai pas participé, à propos d’un scénario que j’ai écrit mais qu’aucune des personnes en colère n’a lu, qui n’est qu’un morceau d’une série de cinq films, est visiblement très amusant, mais vous savez ce qui est encore *plus* amusant ? »

Très active sur les réseaux sociaux, véritable star depuis le succès planétaire de Harry Potter et romancière la plus fortunée au monde, J. K. Rowling est souvent invectivée en ligne, et parfois au cœur de polémiques liées à son œuvre ou ses prises de position publiques.

La dernière en date concernait aussi le deuxième opus des Animaux fantastiques : les fans avaient exprimé leur colère en apprenant que Johnny Depp y occuperait une place si importante. A l’heure de #MeToo, la présence d’une star accusée quelques mois plus tôt de violences par Amber Heard, son épouse d’alors, avait été fortement critiquée.