A Macerata le 3 février, après que Lucas Traini a ouvert le feu sur des étrangers blessant six personnes. / STR / AFP

S’il ne s’était agi que d’un sympathisant, il aurait été facile à la Ligue du Nord de nier tout lien avec Luca Traini, auteur présumé de l’attentat commis samedi à la mi-journée, au pied du monument aux morts de Macerata (Marches), durant laquelle six demandeurs d’asile africains ont été blessés.

Aurait-il été simple militant ou colleur d’affiches qu’il aurait été possible de chercher à se désolidariser sans dommages… Mais voilà, le jeune homme de 28 ans, qui s’est laissé interpeller par les forces de l’ordre après avoir affecté un salut fasciste, était bel et bien lié au parti dirigé par Matteo Salvini, à tel point qu’il avait figuré sur les listes de la Ligue du Nord lors des élections municipales du printemps 2017. Et les témoignages sur sa personnalité, tout comme ses tatouages empruntés à l’iconographie nazie (motif de « rune du loup » à la tempe droite, croix celtique, inscriptions en lettres gothiques), donnent plutôt l’impression que Luca Traini n’était pas du genre à garder pour lui ses opinions politiques.

Responsabilité du gouvernement, selon la droite

Réagissant quelques heures après l’attaque, le chef de file de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, qui mène depuis plusieurs semaines une campagne particulièrement radicale, centrée sur l’insécurité et le péril migratoire, en vue des élections du 4 mars, a plus cherché à incriminer le gouvernement qu’à prendre ses distances avec l’attentat. « Qui fait usage d’une arme est un délinquant », a-t-il déclaré, avant de préciser que « la responsabilité morale de chacun des actes de violence qui se produisent en Italie est à ceux qui ont rempli de réfugiés notre pays ».

Selon lui, Luca Traini n’aurait eu que le tort de pallier lui-même l’impuissance de l’Etat. Un raisonnement appuyé sur un fait divers sordide, qui a ému toute l’Italie ces derniers jours : le 31 janvier, le cadavre mutilé et démembré d’une jeune femme de 18 ans avait été retrouvé non loin de Macerata, dans deux valises. Le principal suspect du meurtre serait un migrant sans papiers nigérian, déjà condamné plusieurs fois par la justice italienne.

Le chef de file de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, le 2 février 2018. / Antonio Calanni / AP

Les partenaires de la Ligue du Nord au sein de la coalition de droite, sans s’aligner sur la position de la Ligue du Nord, ont eux aussi cherché à faire porter à l’actuel gouvernement la responsabilité du drame. Sur Twitter, la dirigeante de Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni, a ainsi parlé d’une « action criminelle sans justification possible », avant d’ajouter. « Voilà ce à quoi est réduite l’Italie aux mains de la gauche. » Le communiqué publié dans l’après-midi par le chef de file de l’aile modérée de l’alliance de droite, Silvio Berlusconi, parle, lui, de « l’acte d’un déséquilibré », précisant aussitôt que l’attaque « rappelle à tous le problème de l’insécurité dans nos villes ».

Au fond, le message de soutien à Luca Traini envoyé par le dirigeant néofasciste de Forza Nuova, Roberto Fiore (« ce jeune homme s’est sûrement trompé, mais il a vu sa propre ville transformée en enfer »), ne dit pas autre chose.

« Criminel fascistoïde »

Finalement, à droite, la condamnation la plus nette est venue des rangs de la Ligue du Nord, par la voix du très influent Roberto Maroni, actuel président de la région Lombardie. L’ancien ministre de l’intérieur de Silvio Berlusconi, qui ne fait pas mystère du peu de goût qu’il a pour les outrances de Matteo Salvini, a aussitôt qualifié Luca Traini de « criminel fascistoïde » avec lequel la Ligue n’avait « rien à voir ».

Tenant d’une certaine fidélité à la Ligue du Nord des origines, certes autoritaire et xénophobe mais vierge de toute forme de nostalgie fasciste, Roberto Maroni n’a jamais caché son opposition au virage « nationaliste » d’une « Ligue » qui, sous la direction de Matteo Salvini, se démène pour faire oublier que ses racines sont à chercher au Nord, dans l’antagonisme avec le Sud, plutôt que dans l’exaltation de la patrie italienne.

Paradoxalement, le tragique attentat de Macerata aura eu pour effet de remettre en pleine lumière la profondeur de ce désaccord stratégique, qui pourrait bien être lourd de conséquences au lendemain des élections du 4 mars.