En mars 2017, Lille et la région Hauts-de-France remportaient l’appel à projets lancé par le Centre national du cinéma afin de créer le festival de séries international souhaité par l’Etat. Nommé SériesMania Lille Hauts-de-France, dirigé par l’équipe qui créa « Séries Mania » en 2010 à Paris, le festival se déroulera à Lille du 27 avril au 5 mai. Entretien avec Laurence Herszberg, sa directrice générale.

Quelle a été votre première décision, en tant que directrice générale du nouveau festival SériesMania ?

L’important était d’abord de reconstituer le noyau qui avait imaginé l’aventure SériesMania avec moi, il y a huit ans à Paris. Impensable de faire sans eux. Il s’agit essentiellement deux personnes : Frédéric Lavigne, le directeur artistique, et Jeffrey Bledsoe, le producteur de l’événement.

Chacun a choisi des personnes avec il avait travaillé depuis plusieurs années, et nous avons tout de suite développé une équipe lilloise forte. Un peu avant l’ouverture du festival, nous serons une cinquantaine, une trentaine de personnes à Lille, une vingtaine à Paris.

Est-ce en raison de sa renommée à l’étranger que vous avez tenu à conserver le nom de la manifestation, SériesMania ?

Oui, il était important de conserver cette marque parce qu’après sept ans d’existence à Paris, « SériesMania » est devenu une référence pour les revues et les professionnels, notamment à l’étranger.

Cette nouvelle localisation change-t-elle quelque chose au contenu du festival ?

La compétition internationale et la présentation de nouvelles séries venues d’un peu partout dans le monde restent identiques. Ce qui change, en revanche, c’est le rapport au public : on va pouvoir s’étendre sur toute la ville, pendant les neuf jours de festival, avec des animations, des concerts et des fêtes dans plusieurs lieux culturels de Lille.

A Paris, il est très difficile d’exister sur l’ensemble de la ville : SériesMania n’avait guère la latitude de sortir de son lieu d’ancrage, le Forum des images. A Lille, nous allons pouvoir créer un village du festival. Il est important qu’en dehors des salles et des moments de projection, il y ait un endroit où tout le monde puisse se retrouver. La mairie de Lille a mis à disposition le Tripostal où le public trouvera information, billetterie, bar, rencontres, dédicaces par des auteurs, une web radio, des expositions, un espace de réalité virtuelle, des webséries expérimentales et, tous les soirs, de la musique, en live ou en DJ set.

A 100 jours du festival, où en êtes-vous ?

Une partie de la programmation est faite. Nous avons d’ores et déjà vu et analysé quelque 180 ou 200 séries, sur la base de leurs deux premiers épisodes. A terme, nous en aurons visionné 300. Nous n’avons pas encore tout reçu, d’autant que certaines sont encore en production, mais ça s’est accéléré, depuis le début de 2018 : chaînes, producteurs ou agents du monde entier nous envoient des séries.

Pour ce qui concerne le président du jury international que j’ai sollicité, j’attends encore sa réponse.

Ce sera un(e) showrunneur(e) ?

Oui, je trouve bien que ce président soit un grand showrunner, sachant que cette fonction est spécifique au monde des séries.

Comment se passe le cheminement d’une série jusqu’à vous ?

Nous avons tout un réseau de correspondants, que nous avons constitué au fil des ans : les vendeurs internationaux, les diffuseurs (chaînes et plates-formes), des producteurs, des agents, etc. Nous menons une veille toute l’année auprès d’eux pour savoir ce qui se prépare et se tourne. En septembre, quand commence la sélection pour le festival, nous nous inquiétons de savoir où en est chacun, dans les grands pays producteurs de séries. Nous nous y déplaçons, aussi, pour être au courant de tout ce qui s’y passe, amasser des informations. Comme le fait Thierry Frémaux pour le festival de Cannes.

Quelle est l’inquiétude la plus importante, à ce stade ?

En réalité, j’ai presque le sentiment que tout reste à faire, car monter un tel festival en six mois est une gageure. En tout cas, ma toute première inquiétude a disparu : nous sommes rassurés par l’accueil des Lillois, qui se montrent très volontaires pour y participer.

Qu’attend la région, qui y consacre un budget de 3,5 millions ?

Rien de spécifique, surtout en cette première année de lancement. Mais tous les politiques s’accordent pour dire que la culture doit faire preuve d’une forte présence, et dans toute la région, pour ressouder notre société. Certaines populations sont très éloignées de la culture, il y a des jeunes qu’il faut y faire (re) venir, or l’on sait que la série peut être un formidable vecteur dans ce sens. Tout au long de l’année, on instaurera donc des actions, dans le monde éducatif notamment. Des ateliers pédagogiques autour des séries, par exemple.

En fait, SériesMania n’est qu’un élément de l’édifice que la région a commencé de bâtir de manière offensive des années. C’est connu : la ville de Lille a engagé une grande politique culturelle depuis déjà longtemps, pensez à Lille 2004, et nous, nous nous inscrivons dans le cadre de cette politique. Quant à la Métropole européenne de Lille (MEL) et à la région Hauts-de-France, leur objectif, pour dynamiser la région, tient du culturel et de l’économique à la fois : la réindustrialisassions de la région, d’une certaine manière, passe par l’agrégation d’industries créatives, notamment dans le numérique.

Quel est le défi le plus important, avec ce SériesMania nouvelle formule ?

L’enjeu est clair : la France va-t-elle parvenir à construire un festival de séries d’envergure mondiale ? Un festival qui attire suffisamment les Netflix, Amazon, Fox, Apple ou Warner pour qu’ils viennent en France.

Comme pour le cinéma, l’existence d’un grand festival n’empêche pas qu’il en existe d’autres. SériesMania n’est pas en concurrence avec Séries Séries ou le festival de séries de Cannes, des collaborations seront toujours envisageables, mais tout le monde a bien conscience qu’à terme, il n’y aura qu’un, voire deux ou trois festivals, au plus, qui seront de rang mondial.

Dans le cadre d’une concurrence internationale, face à Berlin, Tribeca, et d’autres déjà créés ou à venir, il y va de l’intérêt de tous que ce soit en France que s’impose le grand festival international des séries, que SériesMania devienne la référence, dans ce domaine. C’est cela qui se joue, dans la création de ce nouveau festival dans les Hauts-de-France.