C’est une mauvaise nouvelle pour la Ville de Paris : le Conseil d’Etat a validé, lundi 5 février, l’annulation du marché de l’affichage publicitaire conclu avec JCDecaux et sa filiale Somupi. Ce jugement implique la suspension de l’affichage sur les 1 630 panneaux Decaux à Paris jusqu’à l’été 2019 et une perte de 40 millions d’euros de recette pour le budget de la Ville. Le tribunal administratif avait déjà cassé ce marché en décembre 2017.

Ce camouflet juridique fait suite à l’annulation en avril 2017 par le tribunal administratif du précédent contrat avec JCDecaux et Somupi, confirmée par le Conseil d’Etat en septembre.

Conclu en mars 2017, ce premier marché prévoyait pour la première fois que 15 % des panneaux Decaux afficheraient des publicités numériques. Le contrat devait rapporter 30 millions d’euros par an à la Ville, contre quatre millions d’euros par an dans le précédent contrat.

Un contrat provisoire

Mais deux sociétés concurrentes de JCDecaux – Exterion Media et Clear Channel – avaient saisi le tribunal administratif. Lequel avait annulé en avril 2017 le contrat au motif que la publicité numérique était interdite par le règlement local de publicité de Paris. La mairie socialiste a saisi le Conseil d’Etat en cassation, qui a confirmé l’annulation en septembre.

Pour pallier ce contrat, Anne Hidalgo a alors décidé de conclure un marché de gré à gré avec JCDecaux pour la période de janvier 2018 à août 2019, sans panneaux numériques.

Ce contrat provisoire devait aussi éviter une interruption de la publicité et une perte de recettes pour la Ville. Il devait surtout laisser à la mairie le temps de relancer une procédure d’appel d’offres pour un nouveau contrat allant de 2019 à 2023 et ne prévoyant pas plus d’affichage numérique. Mais, saisi à nouveau par les concurrents de JCDecaux, le tribunal administratif a annulé ce contrat en décembre.

Lundi, le Conseil d’Etat, saisi en cassation par la Ville et la Somupi, a confirmé l’annulation de ce marché de gré à gré. La ville avait plaidé que l’absence de panneaux publicitaires la privait d’un support pour diffuser des informations municipales et qu’elle devait donc passer en urgence un nouveau marché. Le Conseil d’Etat estime « que, compte tenu de la grande diversité des moyens de communication dont dispose la Ville de Paris, ceux-ci sont suffisants pour assurer la continuité de l’information municipale en cas d’interruption du service d’exploitation du mobilier urbain d’information ». Il considère donc qu’il n’existe aucun motif d’intérêt général qui justifie un marché de gré à gré, sans appel d’offres.

Paris a « joué à la roulette juridique »

Ce deuxième contrat cassé devait rapporter 24 millions d’euros en 2018. Anticipant une annulation par le Conseil d’Etat, Emmanuel Grégoire, adjoint aux finances n’avait pas inscrit cette recette dans le budget 2018. La Ville devra aussi se priver de 16 millions d’euros dans le budget 2019. Soit un manque à gagner de 40 millions d’euros.

Cette décision est « une très mauvaise nouvelle », reconnaît-on au sein de l’exécutif parisien. La Ville « a joué à la roulette juridique et a perdu un marché qui devait apporter la plus grosse redevance de toutes les concessions », ironise Jean-Baptiste de Froment, élu (Les Républicains) au conseil de Paris. La droite avait toutefois voté en mars et en novembre en conseil de Paris les deux contrats invalidés, invitant même la municipalité à accroître la part du numérique dans le parc des panneaux.

Les élus écologistes s’y étaient, en revanche, farouchement opposés, l’affichage numérique constituant à leurs yeux une source de pollution visuelle. La décision du Conseil d’Etat implique pour JCDecaux l’obligation de démonter les panneaux d’affichage. Les écologistes devraient demander d’ici à mardi, lors des débats en conseil de Paris, que soient plantés des arbres à la place des 1 630 panneaux.

Paris n’entend pas pour autant renoncer à la publicité numérique. La Ville a engagé en novembre 2017 la révision de son règlement local de publicité qui pourrait à terme autoriser ce nouveau mode de diffusion. Ce processus de révision pourrait aboutir d’ici à 2023. « Nous n’avons pas été élus pour supprimer la publicité à Paris, rappelle Julien Bargeton. L’ex-adjoint aux finances d’Anne Hidalgo, devenu depuis sénateur macroniste, avait défendu en mars 2017 – en accord « avec Mme Hidalgo », dit-il – le premier contrat incluant des panneaux numériques sur les murs de Paris. Une prise de risque juridique que la Ville paie cher aujourd’hui.