La démonstration a été parfaitement réussie. La fusée Falcon Heavy de SpaceX a décollé avec succès, mardi 6 février, depuis cap Canaveral en Floride, propulsant vers l’espace le lanceur le plus puissant du monde depuis le dernier vol, voici quarante-cinq ans, de Saturne-V, le lanceur des missions Apollo.

« Décollage ! », a tweeté à 20 h 46 GMT la société SpaceX dans un message accompagné d’une photo de Falcon Heavy s’élevant dans un nuage de fumée blanche, enveloppant son pas de tir.

Les spéculations allaient pourtant bon train sur une éventuelle annulation du décollage, alors que celui-ci a connu trois retards successifs, en raison du vent à haute altitude.

Voyage d’une voiture électrique

Pour ce vol d’essai, la fusée n’emporte pas de satellites pour un client particulier, mais la voiture électrique du milliardaire américain Elon Musk, fondateur de SpaceX. « J’adore l’idée d’une voiture dérivant apparemment à l’infini dans l’espace et qui sera peut-être découverte par une race extraterrestre dans des millions d’années », avait imaginé l’an dernier M. Musk, qui ne veut ni plus ni moins que coloniser Mars.

La destination de ce vol est l’espace lointain, à une distance à peu près équivalente de celle de Mars par rapport au Soleil, où l’engin sera placé en orbite après que les trois lanceurs auront repris le chemin de la terre ferme. Du moins, si la fusée ne rencontre pas de problème technique. SpaceX, qui n’a effectué que des tests statiques, est consciente du risque de pépin. Et Elon Musk a martelé lundi que cela serait déjà un succès si la fusée « quitte le pas de tir et ne le pulvérise pas en mille morceaux ».

La réussite de ce décollage sonne donc déjà comme une victoire personnelle pour Elon Musk, quiqui, pendant des années, avait été regardé avec condescendance par le monde spatial. Force est de constater qu’il est devenu, en cinq ans, incontournable. Car l’ambition du milliardaire est avant tout la conquête spatiale, et surtout l’installation sur Mars. D’où sa volonté de concevoir des fusées plus puissantes. Pour cela, la Falcon Heavy dispose d’une capacité double de celle du plus gros lanceur actuel, le Delta-IV américain de Boeing et Lockheed Martin.

Mars à l’horizon 2030

Dotée de vingt-sept moteurs Merlin, elle pourra propulser en orbite « plus de 54 tonnes, soit une masse équivalente à un Boeing 737 chargé de ses passagers, équipage, bagages et carburant », précise SpaceX sur son site Internet. Concrètement, il s’agit de trois fusées de type Falcon-9, réunies ensemble qui seront réutilisées. Deux des trois premiers étages, chacun haut de 70 mètres, ont déjà servi et reviendront se poser sur terre à cap Canaveral. Le troisième, celui du milieu, dont la structure a été renforcée pour résister à la chaleur des deux autres, reviendra sur Terre un peu plus tard.

Pour l’instant, la fusée semble surdimensionnée. Dans ses quatre missions connues, dont deux en 2018, figurent des satellites pour la NASA, pour deux opérateurs de télécoms, le saoudien Arabsat et l’américain ViaSat et un vol privé autour de la Lune en 2019.

Pour accélérer la conquête spatiale, SpaceX a dévoilé, en septembre 2017, une ébauche du BFR, pour Big Falcon Rocket, surnommé « Big Fucking Rocket » (putain de grosse fusée) par le milliardaire. Il s’agit d’une navette capable de se rendre sur la Lune et sur Mars avec des passagers. Premier vol prévu vers 2020 pour cet engin trois fois plus puissant que la Falcon Heavy. Première expédition humaine vers 2025. Et, surtout, la NASA élabore, avec des industriels comme Boeing, le Space Launch System (SLS) pour conquérir la Planète rouge à l’horizon 2030.