Pékin a déclaré qu’il lutterait plus fermement contre toutes les activités relatives aux cryptomonnaies, constatant que les mesures précédentes n’avaient pas suffi à limiter l’appétit pour ces investissements, et les risques associés. / Kim Hong-Ji / REUTERS

Rien ne va plus pour le bitcoin : après l’annonce d’un nouveau tour de vis sur les plates-formes d’échanges de cryptomonnaies en Chine, la chute de la monnaie virtuelle s’accélère. Mardi 6 février au matin, le bitcoin s’échangeait contre moins de 5 000 euros, son niveau le plus bas depuis deux mois, bien loin des 16 600 euros atteints fin décembre.

Un article publié dimanche 4 février par un journal financier contrôlé par la Banque du Peuple de Chine (BPC, la banque centrale), affirme : « Afin de prévenir les risques financiers, la Chine va renforcer les mesures visant à supprimer toute plate-forme, en Chine ou à l’étranger, relative à l’échange de monnaies virtuelles ou aux ICO [Initial Coin Offering, les levées de fonds en cryptomonnaies] », a annoncé le Jinrong Shibao (Nouvelles financières).

Concrètement, la Chine va bloquer tous les sites Web d’échanges de cryptomonnaies, en Chine ou à l’étranger, comme elle bloque déjà Google et une série de sites étrangers. Les autorités vont aussi pourchasser ceux qui, basés à l’étranger, proposent aux Chinois de leur servir d’intermédiaire pour acheter des bitcoins.

Une valeur refuge en 2016

Le lendemain, lundi 5, l’agence Chine nouvelle citait un responsable de la Banque du Peuple confirmant que Pékin lutterait plus fermement contre toutes les activités relatives aux cryptomonnaies, constatant que les mesures précédentes n’avaient pas suffi à limiter l’appétit pour ces investissements, et les risques associés : volatilité mais aussi arnaques multiples…

La Chine n’était pourtant pas totalement hostile aux cryptomonnaies avant 2016. Avec la complaisance des autorités, c’est en Chine que s’étaient installé la plupart des usines de « minage » de bitcoins, ce procédé très gourmand en énergie, qui consiste à résoudre des équations complexes pour valider la création de bitcoins.

En 2016, face à la chute du yuan, le bitcoin était devenu une valeur refuge : jusqu’à 98 % du volume des échanges en bitcoin avaient lieu en yuan d’après le site data.bitcoinity.org. Mais face à l’envolée des cours, le pouvoir chinois a fait volte-face. En devenant un investissement grand public, le bitcoin risquait de mettre en danger les économies de millions de chinois.

« En Chine, quand un produit financier échoue ou qu’il y a un problème avec une entreprise, les investisseurs s’attendent à ce que le gouvernement les protège »

Résultat, après avoir interdit les plates-formes d’échanges de cryptomonnaies et les ICO en septembre 2017, Pékin s’attaque à toutes les activités relatives au bitcoin, du minage à l’échange. Début janvier, les autorités locales ont été priées de s’attaquer aux fermes de minage de bitcoin, en augmentant les prix préférentiels de l’électricité dont ils bénéficiaient, ou en les taxant davantage. Jusqu’à 70 % des volumes de bitcoins mondiaux ont été minés en Chine, mais de plus en plus d’entreprises spécialisées cherchent à déménager dans des contrées plus accueillantes, comme le Canada ou la Sibérie.

Pour Pékin, la menace des cryptomonnaies est parfois très concrète. « En Chine, quand un produit financier échoue ou qu’il y a un problème avec une entreprise, les investisseurs individuels n’iront pas forcément manifester devant l’entreprise, mais devant le gouvernement local pour demander : où est mon argent ?. Ils s’attendent à ce que le gouvernement les protège », explique Zennon Kapron, fondateur du cabinet de recherche Kapronasia, et auteur de Chomping at the Bitcoin : The History and Future of Bitcoin in China (Penguin, 2014, non traduit).

Le cas s’est produit samedi 3 février : une foule d’investisseurs a emmené par la force un certain Jiang Jie, fondateur d’un projet de levée de fond en cryptomonnaie, au bureau financier du gouvernement de Pékin. Sa nouvelle monnaie avait vu sa valeur divisée par cinq en deux semaines.