Documentaire sur Arte à 20 h 50

La présence actuelle et très médiatisée d’une dizaine de skieurs et patineurs nord-coréens sur le sol sud-coréen à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang (9-25 février) ne doit pas faire illusion. Comme le souligne cette « Thema » constituée de trois documentaires de qualité, la paix dans la péninsule coréenne reste fragile, la menace nucléaire palpable, tout comme les tensions entre la Corée du Nord et son ennemi intime, les Etats-Unis.

Il faut dire qu’avec Donald Trump à la Maison Blanche les outrances verbales sont à la mode. Et si, durant huit ans, l’administration Obama a un peu ­délaissé le dossier nord-coréen, laissant le régime de Pyongyang procéder à quatre essais nucléaires et douze tirs de missiles balistiques, Trump semble vouloir changer de méthode avec celui qu’il a appelé « little rocket man », alias Kim Jong-un. Le jeune leadeur nord-coréen, tout comme son père, Kim Jong-il, et son illustre grand-père Kim Il-sung, semble prendre un malin plaisir à alterner provocations, menaces et propos apaisants. Tout en développant de manière systématique un programme nucléaire inquiétant et un vaste système de trafic d’armes qui remplit les caisses du pays. Ainsi que le souligne l’expert américain Evans Revere, l’un des nombreux témoins interrogés par Anthony Dufour et Minju Song dans Le Piège des Kim : « La seule chose que les Etats-Unis respectent, ce sont les pays dotés de l’arme nucléaire ! »

Essais nucléaires

Aujourd’hui, il semble que la ­Corée du Nord fasse partie du petit cercle des puissances nucléaires et puisse, depuis quelques mois, frapper le territoire américain, ce qui change beaucoup de choses. Car, comme on nous le rappelle, si les Etats-Unis étaient à deux doigts de frapper militairement la Corée du Nord en juin 1994, à une époque où le programme nucléaire coréen n’était pas fiable, la situation n’est aujourd’hui plus du tout la même. « La dissuasion nucléaire, ça marche ! », résume cyniquement un diplomate.

A l’aide de documents d’archives et de témoignages éclairants de diplomates, d’experts militaires, de femmes et d’hommes politiques américains, coréens, japonais et d’anciens responsables européens de l’Agence internationale de l’énergie atomique, cette soirée décrypte plusieurs aspects du régime des Kim et retrace près de soixante-dix ans d’histoire mouvementée, rappelant que la terrible guerre de Corée (1950-1953) a fait plus de 3 millions de victimes et pèse toujours dans la mémoire collective.

Dans le deuxième documentaire (La Folie atomique de Kim Jong-un),la personnalité du ­leadeur nord-coréen est évoquée. « Il est beaucoup plus imprévisible que son père et son grand-père. Et c’est en même temps un individu très rationnel », estime Joseph De Trani, ancien directeur de la CIA pour l’Asie du Sud-Est.

A côté du programme nucléaire et des essais réguliers de missiles de plus en plus puissants, le régime nord-coréen a développé une véritable stratégie de cyber­attaques avec des cibles aussi ­diverses que des banques sud-coréennes, des constructeurs automobiles japonais, des hôpitaux indonésiens, les chemins de fer allemands ou des commerces australiens.

On neplaisante pas avec « Jong-un », digne rejeton de la ­dynastie. Reste maintenant à savoir si l’imprévisible locataire de la Maison Blanche a l’intention de se débarrasser de « little rocket man » ou si la dissuasion ­nucléaire permettra d’éviter la ­catastrophe.

Le Piège des Kim, d’Anthony Dufour et Minju Song (Fr., 2017, 53 min), suivi de La Folie atomique de Kim Jong-un, de Nick Golüke, Michael Mueller et Peter F. Müller (All., 2017, 52 min) et Des dollars pour Kim Jong-un, deMeng Sam-hyung, Tristan Chytroschek et Cho Cheon-hyun (All., 2017, 60 min).