Ceux qui s’opposent à la baisse de la vitesse, annoncée par le gouvernement mardi 9 janvier, ne pourront plus dire que cette mesure n’a aucun fondement scientifique. Le Rapport sur l’expérimentation de l’abaissement de la vitesse limite autorisée à 80 km/h, produit en décembre par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et mis en ligne mercredi 7 février, confirme les calculs des experts en sécurité routière.

Ce rapport était réclamé à cor et à cri par la commission des lois et la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat. Philippe Bas (Manche – Les Républicains) et Hervé Maurey (Eure – Union centriste) ont même menacé de constituer une commission d’enquête pour l’obtenir, lorsqu’ils ont auditionné le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, mercredi 24 janvier.

Dans quelles conditions le Cerema l’a-t-il rédigé ? Rappelons qu’en novembre 2013, le comité des experts du Conseil national de la sécurité routière (CNSR) avait préconisé une baisse de la vitesse limite autorisée, de 90 à 80 km/heure, sur les routes à double sens dépourvues de séparateur central. Cette baisse de la vitesse autorisée était censée provoquer une baisse de la vitesse moyenne, de l’ordre de 5 km/heure, et, par voie de conséquence, une diminution du nombre d’accidents mortels.

Expérimentation commencée en 2015

En juin 2014, Manuel Valls, alors premier ministre de François Hollande, décide de procéder à une « expérimentation » de la baisse de la vitesse, sur « quelques segments accidentogènes ». Son ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a présenté les tronçons retenus le 11 mai 2015. L’expérimentation a commencé en juillet 2015, sur la RN7 dans la Drôme (26), la RN57 dans la Haute-Saône (70) et la RN151 dans l’Yonne (89) et la Nièvre (58).

La Délégation à la Sécurité Routière a demandé au Cerema d’observer les vitesses pratiquées sur ces tronçons, avant et après l’abaissement de la vitesse limite autorisée. Six campagnes de mesures ont été menées, entre juillet 2015 et juin 2017. Le Cerema a utilisé des « compteurs-radars Viking + », qui, en raison de leur discrétion, ont permis de faire les mesures sans avoir d’influence sur le comportement des usagers.

L’analyse des résultats montre que la baisse de la vitesse limite autorisée a engendré une baisse moyenne des vitesses pratiquées de 4,7 km/h. La vitesse moyenne est en effet passée de 85 km/h en juillet 2015 à 80,3 km/h en mai 2017. « Cette baisse est conforme à celle attendue par le comité des experts du CNSR », précise le Cerema. « Elle correspond aussi à ce que l’on peut trouver dans la littérature scientifique. »

Pour les véhicules légers, la baisse est de 5,1 km/h (de 86 km/h en juillet 2015 à 80,9 km/h en mai 2017). Pour les véhicules légers libres (qui n’en suivent pas immédiatement un autre), elle est de 5,3 km/h (de 88,9 à 83,5 km/h). Quant aux poids lourds, bien qu’ils n’aient pas été concernés par le changement de la vitesse limite autorisée, puisqu’ils devaient déjà rouler à 80 km/h, ils ont tout de même diminué aussi leurs vitesses, de 2,7 km/h (elles sont passées de 79,5 km/h à 76,8 km/h). « Les vitesses pratiquées ont baissé pour tous les usagers, y compris pour ceux qui ont pour habitude de conduire à des vitesses élevées », note le Cerema.

Les opposants à la baisse de la vitesse diront que la démonstration n’est pas complète, puisque le Cerema n’indique pas si le nombre d’accidents mortels a diminué, lui aussi, dans les proportions attendues par les scientifiques. Mais, comme l’a expliqué Emmanuel Barbe devant le Sénat, « la période retenue était trop courte pour faire une étude sérieuse de l’accidentalité ». Il n’en demeure pas moins que le premier temps de la démonstration est vérifié.