Editorial du « Monde ». Alors que beaucoup d’indicateurs de l’économie française passent au vert, il y en a au moins un qui reste désespérément au rouge : le commerce extérieur. Avec une belle régularité, la France aligne les déficits de sa balance commerciale. En 2017, le déséquilibre a atteint 62,3 milliards d’euros. Pour la quatorzième année d’affilée, la France achète (beaucoup) plus à l’étranger qu’elle n’y vend ses produits.

Pour retrouver un tel chiffre, il faut remonter à 2012, première année du quinquennat de François Hollande. Si Emmanuel Macron récolte dans d’autres domaines ce que son prédécesseur a semé, au contraire, en matière de commerce extérieur, les faits sont têtus. La situation s’est même aggravée sur les douze derniers mois, ce qui nous a coûté environ un demi-point de croissance, soit, grosso modo, ce qu’il nous manque pour progresser au même rythme que le reste de la zone euro.

Le décrochage est un phénomène de long terme, qui résulte d’un double mouvement. Sur le plan intérieur, les produits étrangers ne cessent de gagner du terrain. Leur taux de pénétration, qui n’était que de 19 % il y a quinze ans, dépasse désormais les 25 %.

Sur le plan extérieur, la situation est tout aussi critique. Nos exportations progressent deux fois moins vite que la demande mondiale sur les produits que la France est susceptible de vendre. Depuis 2003, celle-ci a doublé, alors que les premières n’ont augmenté que de 50 %. L’argument consistant à faire de l’euro le responsable de la situation ne tient pas : les autres pays de la zone euro ont globalement maintenu leurs performances à l’exportation.

Les secteurs d’excellence se réduisent comme peau de chagrin

Les faiblesses de l’appareil productif français relèvent de l’évidence. Quand l’Allemagne, qui a dégagé de nouveaux excédents record en 2017, est capable d’aligner plus de 331 000 entreprises exportatrices, la France n’en compte qu’un peu plus de 124 000. Même l’Espagne et l’Italie font mieux.

Et nos secteurs d’excellence se réduisent comme peau de chagrin. La force de frappe exportatrice ne repose plus que sur trois piliers : aéronautique, boissons et luxe. L’extrême dépendance de notre commerce extérieur au carnet de commandes d’Airbus constitue une faiblesse inquiétante. La France est désormais en déficit avec plus d’un partenaire commercial sur deux.

La situation résulte globalement d’une mauvaise adaptation de notre appareil productif à la demande. La France paye à la fois les effets de sa désindustrialisation et le retard pris dans la modernisation de ses usines, illustré par un taux de robotisation faible. Elle souffre aussi d’un handicap de compétitivité-coût par rapport à des pays ayant un niveau de gamme similaire comme l’Espagne. Se pose enfin un problème d’amélioration de la compétence de la population active, qui ralentit le processus de montée en gamme de la production, indispensable à la différenciation sur des marchés de plus en plus compétitifs.

Notre déficit extérieur n’a rien d’inéluctable. On a tendance à l’oublier, mais, entre 1980 et 1991, la balance commerciale de la France était structurellement déficitaire avant que le mouvement ne s’inverse au cours de la décennie suivante. Toutefois, la reconquête est œuvre de longue haleine. Elle nécessite constance et opiniâtreté pour ajuster la pertinence et la compétitivité de notre production. « France is back », a proclamé Emmanuel Macron au Forum économique de Davos. Mais il faudra plus que des slogans pour que la France soit vraiment de retour dans le commerce mondial.