L’université Paris Descartes a dû évacuer en 2007 ses étudiants en médecine d’un bâtiment en raison d’un dépassement des seuils réglementaires d’empoussièrement en fibres d’amiantes. / Fred Romero - Flickr via Campus

Dix ans après le lancement d’un grand plan de rénovation du parc immobilier universitaire par Nicolas Sarkozy, la Cour des comptes dresse, dans son rapport annuel publié mercredi 7 février, un premier bilan « en demi-teinte » de cette « opération campus ».

La pertinence du chantier n’est pas remise en cause. « L’état du bâti immobilier des universités nécessitait une intervention exceptionnelle de l’Etat, après plusieurs années de déshérence », rappelle la Cour. En effet, plus de 40 % de leurs locaux étaient considérés en « état moyen ou dégradé » en 2008. Parmi eux, un grand nombre de bâtiments ne répondaient pas aux normes de sécurité pour des établissements accueillant du public. A Strasbourg, Lille et Clermont-Ferrand, les universités avaient reçu un avis défavorable d’ouverture au public « pour plus de 50 % de leurs surfaces », notent les auteurs du rapport. A Paris, « l’université Paris-Descartes a [vait] dû évacuer en 2007 ses étudiants en médecine d’un bâtiment en raison d’un dépassement des seuils réglementaires d’empoussièrement en fibres d’amiantes ».

Le redressement de cette situation se voit inscrit en 2007 dans la lettre de mission de Valérie Pécresse, quand elle est nommée ministre de l’enseignement supérieur. Quant au financement de ce vaste programme, Nicolas Sarkozy précise en novembre de la même année qu’il sera assuré par la vente de 3 % du capital d’EDF, évalué à 5 milliards d’euros.

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Pourtant, dix ans plus tard, l’opération « est loin d’être terminée », remarque la Cour des comptes. Si plusieurs sites ont achevé leurs travaux (Grenoble, Aix-Marseille), d’autres sont encore en phase d’études pour tout ou partie de leurs projets (Toulouse, Montpellier, Nice). Quant à celui du Havre, il a été suspendu. Finalement, seulement un quart des opérations principales ont été livrées en 2017. L’achèvement du projet est aujourd’hui reporté à 2023, dans des délais « bien supérieurs aux annonces initiales ».

Des contrats « rigides et complexes »

Pourquoi une telle lenteur ? L’opération a été marquée « par des difficultés portant sur les modalités de financement et de réalisation », constate la cour. La session d’actions d’EDF n’a rapporté que 3,7 milliards d’euros, au lieu des 5 milliards prévus. Il a donc fallu ajouter, en mars 2010, un programme de financement complémentaire de 1,3 milliard d’euros. « Le recours à la vente de participations de l’Etat pour financer l’opération Campus n’était pas adapté », analyse la Cour. La vente massive de titres EDF a entraîné une baisse du titre de 3 % en une séance, alors que parallèlement le CAC 40 augmentait de 1,3 %.

Pour réaliser l’opération Campus, le ministère impose alors aux universités candidates un recours aux partenariats public-privé. Des « contrats rigides et complexes » qui présentent un risque de surcoût et « la plupart des universités ne disposaient pas des compétences nécessaires pour suivre l’exécution du contrat », indique le rapport. En juin 2012, après la victoire de François Hollande à la présidentielle, la nouvelle ministre de l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, recommande l’abandon du recours exclusif aux contrats de partenariats. En 2013 plusieurs sites (Paris, Strasbourg, Toulouse et Montpellier) basculent la totalité de leurs opérations en maîtrise d’ouvrage public. « Les retards importants s’expliquent par l’impréparation des universités à faire face rapidement à des projets d’une telle ampleur », insiste la Cour des comptes, ainsi que par les « tergiversations » sur les modalités de réalisation.

« les buts finaux autres qu’immobiliers ont été négligés »

Enfin, l’un des moteurs qui justifiait l’investissement massif pour l’opération campus était de favoriser les sites engagés dans une dynamique de regroupement via la mise en place de pôles de recherches et d’enseignement supérieur, la fusion d’établissements, en vue de créer des universités compétitives au niveau mondial. Mais « cette dimension a rapidement disparu des objectifs ministériels », pointent les auteurs, et « les buts finaux autres qu’immobiliers ont été négligés. »

En conclusion, la Cour des comptes recommande notamment, au ministère comme aux universités, de « capitaliser sur les compétences acquises en matière immobilière » durant ces dix années de mise en œuvre et engage les acteurs « à ne pas perdre le bénéfice de cet investissement massif », en mettant en place une politique d’entretien et de maintenance du parc immobilier.