Elisabeth Revol, le 7 février lors d’une conférence de presse à Chamonix. / JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Elle en reste persuadée, « on aurait pu sauver Tomek ». L’alpiniste française Elisabeth Revol a exprimé, mercredi 7 février à Chamonix, sa « colère » contre la lenteur des secours, qui n’a pas permis de sauver son compagnon de cordée polonais, Tomasz Mackiewicz, mort au Nanga Parbat.

Dix jours après son sauvetage in extremis par une équipe d’himalayistes polonais, la rescapée de la « montagne tueuse » pakistanaise, qui culmine à 8 126 m, a affirmé que des secours « pris à temps et organisés » auraient pu permettre aux deux aventuriers de rentrer sains et saufs de leur expédition. Dans l’Himalaya, et a fortiori en hiver, « le temps est précieux », « c’est une course contre la montre » une fois qu’a été lancé le message de détresse, a rappelé l’alpiniste de 37 ans, les traits tirés.

« “On the table”, en cash »

Le soir du 25 janvier, à 23 h 10, heure pakistanaise, Elisabeth Revol avait envoyé un SOS à son ami et routeur Ludovic Giambiasi, à son mari, Jean-Christophe, et à la femme de Tomek, Anna. Une centaine de messages ont été échangés — et certains perdus en route — avant que l’appareil GPS de la Française ne s’éteigne.

L’alpiniste n’a finalement été tenue au courant que de l’essentiel, des consignes à suivre en fonction de son état et de la progression des secours. Des secours qui ont rencontré « des freins et des problèmes », a déploré Ludovic Giambiasi, qui a coordonné les bonnes volontés de Gap. Parmi les plus regrettables, selon lui, il y a eu des « mensonges de certains Pakistanais » s’agissant de la « disponibilité, de la réservation et des capacités des hélicoptères » à monter ou non chercher Tomek à plus de 7 000 m d’altitude, puis à chercher Elisabeth Revol, descendue par ses propres moyens jusqu’à 6 300 m.

Sans compter la surenchère sur les prix, « partis de 15 000 dollars et montés à 40 000 » pour finalement être exigés « on the table”, en cash sur la table », a dénoncé M. Giambiasi. L’ambassade de France, investie dans la partie diplomatique, n’avait pas de liquide dans son coffre, celle de Pologne si (30 000 dollars). « Le reste, ce sont ses employés qui les ont donnés », a raconté Masha Gordon, alpiniste russo-britannique.

Celle qui a organisé le financement participatif en ligne de l’opération de sauvetage, a recensé 24 000 partages de l’appel sur Facebook, pour 157 000 euros collectés. Une fois remboursée la part avancée par la France (32 000 euros) –, les Polonais offrent leur participation (43 000 euros) – le reliquat de 130 000 euros ira aux trois enfants de Tomek, âgés de 7, 8 et 9 ans.

« Profonde gratitude »

Sa veuve Anna Antonina Solska, intervenue par téléphone devant la presse, a de nouveau exprimé à Elisabeth Revol sa « profonde gratitude » pour avoir guidé son mari jusqu’à la crevasse où elle l’a laissé à l’abri, persuadée qu’un hélicoptère viendrait le chercher. « J’espère que tu te sentiras mieux bientôt », lui a-t-elle dit.

Mais outre ses séquelles physiques, l’alpiniste française reconnaît que « dans la tête, ce n’est pas simple ». Elle s’en veut de ne pas avoir « insisté » pour que Tomek mette ses lunettes dans l’ascension finale, convaincue que sa cécité survenue au sommet a tout déclenché « en cascade ». Mais pour le Dr Frédéric Champly, spécialiste des pathologies de très haute altitude, le Polonais a sans doute outrepassé ses capacités d’acclimatation et est « très probablement mort » d’un œdème pulmonaire contre lequel Elisabeth Revol ne pouvait rien.

Himalaya : une alpiniste française sauvée in extremis
Durée : 01:24

« Ça s’est fait comme ça »

L’alpiniste est toujours soignée intensivement à l’hôpital de Sallanches (Haute-Savoie) pour tenter d’éviter une amputation, notamment de son pied gauche, le plus atteint par les engelures.

La semaine passée, elle avait déjà raconté dans son lit d’hôpital sa « fuite vers le bas ». L’alpiniste avait relaté comment elle avait dû abandonner son compagnon, gravement atteint par le froid, en étant persuadée que les secours pourraient venir le chercher.

« On m’a dit : “Si tu descends à 6 000 m, on peut te récupérer et on peut récupérer Tomek à 7 200 m” (en hélicoptère). Ça s’est fait comme ça. Ce n’est pas une décision que j’ai choisie, mais qui m’a été imposée. »