Floria Gueï lors des Jeux olympiques de Rio, en 2016. / JOHANNES EISELE / AFP

Ces derniers temps, les athlètes françaises n’ont pas souvent l’occasion d’être mises en valeur. Lors des derniers Jeux olympiques (Rio 2016) et des championnats du monde (Londres 2017), pendant que les hommes remportaient huit médailles dont trois titres mondiaux, seule la discobole Mélina Robert-Michon parvenait à monter sur le podium (argent olympique et bronze mondial).

Depuis 2012, le département du Val-d’Oise organise un meeting indoor réservé aux femmes, censé mettre en valeur la pratique féminine. Championne d’Europe en salle du 400 m en 2017, Floria Gueï, qui s’alignera sur 200 m, en est la marraine. L’occasion pour elle d’entamer une préparation tournée vers les championnats d’Europe de Berlin, en août, et de revenir sur la place de l’athlétisme féminin en France.

En 2017, vous avez manqué les Mondiaux de Londres à cause d’une blessure. Où en êtes-vous ?

Floria Gueï. Même si j’ai disputé une première course il y a quelques jours, le meeting féminin du Val-d’Oise est ma vraie rentrée, dans une compétition de niveau international. J’ai été opérée l’été dernier d’un kyste arrivé au pire des moments et qui m’empêchait de courir, alors que ma saison hivernale avait été géniale, avec mon premier titre individuel européen. J’ai donc vraiment plaisir à retrouver la compétition.

A la rentrée 2017, vous avez changé de ville et d’entraîneur. Pourquoi ce nouveau départ ?

J’avais besoin de renouveau, d’un nouveau projet jusqu’aux prochains Jeux. J’ai rejoint le Creps [centre de ressources, d’expertise et de performances sportives] de Montpellier et Bruno Gajer [ancien coach du champion du monde du 800 m Pierre-Ambroise Bosse]. J’aimais beaucoup mon ancien coach [Djamel Boudebibah], c’est l’un des meilleurs, mais j’avais besoin de me mettre un coup de fouet et de voir autre chose.

Qu’est-ce qui a changé concrètement dans votre quotidien ?

L’environnement n’est pas le même. J’ai une nouvelle cellule médicale, un nouveau groupe d’entraînement constitué essentiellement de filles et, de temps en temps, on s’entraîne même avec les décathloniens [notamment le champion du monde Kévin Mayer]. Je découvre de nouvelles séances d’entraînement qui sont très différentes de celles dont j’avais l’habitude.

Vous ne disputerez pas les Mondiaux en salle au début de mars. Visez-vous les championnats d’Europe de Berlin (7 au 12 août) ?

Le titre européen est mon objectif car il y a deux ans, à Amsterdam, j’ai terminé vice-championne d’Europe. J’aimerais franchir un palier en plein air.

On vous parle tout le temps de votre folle remontée lors du relais 4 × 400 m des championnats d’Europe de Zurich en 2014. Cela vous agace-t-il ?

Pas du tout. C’est un souvenir inoubliable et je ne peux pas m’en lasser, même si j’aimerais aussi que l’on puisse voir mon évolution sportive depuis. Je me rends compte que cette course a été une source d’inspiration pour beaucoup, pas seulement dans le sport, mais aussi au travail. Et puis, elle a constitué un vrai déclic dans ma carrière. J’ai compris que l’on ne connaissait pas ses limites et qu’il fallait foncer.

Incroyable remontée de Floria Guei sur un relais 4x400m
Durée : 02:40

Lors de la conférence de présentation du meeting du Val-d’Oise, votre camarade Antoinette Nana Djimou a parlé des inégalités que subissent les athlètes femmes. Quel est votre point de vue ?

C’est un sujet vraiment important. Je n’avais pas trop conscience de cette différence de traitement entre les hommes et les femmes, mais depuis qu’on en parle dans l’actualité, que j’échange avec mes amies dans l’athlétisme, on se rend compte des inégalités, que cela soit dans les médias ou au niveau des primes.

Lorsque vous regardez la « une » des journaux, les performances des femmes sont beaucoup moins mises en lumière. C’est une vraie injustice. Un meeting comme celui-ci permet de sensibiliser à cette cause et d’inciter les femmes à pratiquer notre sport. C’est tout bénéfice. Il faudrait qu’il y ait plus d’événements de ce genre.

L’athlétisme féminin français est en difficulté par rapport au secteur masculin alors qu’à l’époque, pas si lointaine, de Muriel Hurtis et de Christine Arron, la situation était inverse. Comment l’expliquez-vous ?

Je pense déjà qu’en parler, chercher les causes, ça aide beaucoup. Je crois qu’il y a une étude sociologique diligentée par la Fédération française [d’athlétisme] en ce moment. C’est bien de s’y intéresser pour essayer de comprendre. Lorsque j’en parle à mes collègues, le sujet des études revient souvent. Les femmes athlètes sont peut-être un peu plus soucieuses de leur avenir que les hommes.

J’ai mené une licence en psychologie et en sociologie avant de me tourner vers le commerce international. Je termine juste. Cela n’a pas toujours été facile. J’ai parfois été dans le doute, dû mettre mon cursus entre parenthèses. Cela empêche d’être concentrée sur ta carrière.