« Tu pars aux JO ? Ça commence quand ? C’est où ? » C’est un euphémisme : les Jeux olympiques d’hiver, particulièrement ceux de Pyeongchang, peinent à égaler dans l’imaginaire collectif leurs cousins d’été, hormis pour les populations vivant à moins de trente minutes des pistes de ski. C’est le cas en France mais aussi dans le monde entier, où l’événement passe inaperçu dans des zones entières : Afrique, Amérique latine, Asie du Sud, ces trois zones totalisant zéro médaille dans l’histoire des JO d’hiver.

L’absence de neige et de glace sur une bonne partie du globe est la limite semble-t-il indépassable, de la popularité des JO d’hiver, et le ­Comité international olympique (CIO) ne peut faire plus que ce qu’il a déjà tenté : intégrer des sports acrobatiques où s’illustrent des nations sans culture des sports d’hiver, comme l’Australie, la Chine ou la Biélorussie. En 2014, à Sotchi (Russie), selon les calculs du site Slate, les douze pays les plus représentés comptaient pour 63 % des participants alors qu’ils ne représentaient que 12 % de la population mondiale.

Nouvelle audience chinoise

Pour faire croire à l’universalité de ses JO d’hiver, le CIO évoque les 220 pays diffuseurs : cela aide que les droits de retransmission des JO d’été soient souvent vendus en même temps. « Bien sûr, la moitié des pays ne pourront jamais accueillir les Jeux olympiques, mais les gens aiment les regarder là-bas. En termes d’intérêt télévisuel, les épreuves des Jeux d’hiver sont plus spectaculaires que celles des Jeux d’été », assure l’ancien vice-président du CIO, Dick Pound, artisan de l’explosion de la valeur marchande des Jeux dans les années 1980 et 1990.

Dans les pays forts de l’olympisme et des sports d’hiver, les JO conservent une réelle dynamique et les audiences en Chine sont devenues conséquentes. L’américain NBC va battre un nouveau record de revenus publicitaires à l’occasion de Pyeong­chang : avec 900 millions de dollars de publicités vendues sur tous les écrans, la chaîne améliore d’environ 10 % son score de Sotchi.

Les audiences s’effritent, mais le sport en direct est plus que ­jamais le nerf de la guerre pour les chaînes de télévision. « Depuis que nous avons séparé les Jeux olympiques en 1994, la valeur marketing et la popularité des Jeux d’hiver ont augmenté, poursuit Dick Pound, confirmé en cela par les chiffres. C’était plus difficile à vendre avant, lorsque les sponsors et les chaînes devaient concentrer toutes leurs dépenses la même année. »

Concurrence du Super Bowl et de la Ligue des champions

L’édition hivernale a toutefois le désavantage d’être mise en concurrence avec une forte actualité sportive : aux Etats-Unis, le Super Bowl, événement le plus médiatisé de l’année, précède toujours la cérémonie d’ouverture de quelques jours, et, en Europe, la Ligue des champions occupe le milieu des deux semaines olympiques avec ses huitièmes de finale.

Enfin, les Jeux d’hiver manquent cruellement de têtes d’affiche qui rayonnent au-delà du cercle des amateurs de sport, une lacune renforcée cette année par l’absence des stars de la NHL, la ligue de hockey nord-américaine.

« Le comité d’organisation sud-coréen n’a pas fait du bon boulot dans la promotion de ses Jeux, estime en outre Michael Payne, directeur du marketing et des droits télé du CIO de 1988 à 2004. A cause d’un mauvais marketing, d’une mauvaise communication et des dissensions entre Séoul et la province organisatrice (sur la répartition des coûts), la montée en puissance vers les Jeux n’a pas été ce qu’elle aurait dû être. »

L’aspect sportif a également été relégué au second plan par les négociations sur la participation de la Corée du Nord et le feuilleton du dopage organisé en Russie, qui rappelle que la triche concerne autant le ski et le patinage que l’athlétisme ou le cyclisme.

Après l’affaire d’échanges de voix des juges du patinage artistique aux Jeux de Salt Lake City (Etats-Unis, 2002) et la découverte de produits dopants dans les chalets des fondeurs et biathlètes autrichiens à Turin (Italie, 2006), ce sont trois éditions des JO d’hiver, sur les quatre dernières, qui ont été touchées par les scandales.