Le snowboardeur américain Scott Lago aux JO de Vancouver, en 2010. / MANTEY STEPHANE / PRESSE SPORTS

Qui aurait prédit il y a encore deux mois que le dictateur nord-coréen Kim Jong-un ­sauverait l’honneur des Jeux olympiques de Pyeongchang ? Miraculeusement, le président allemand du Comité international olympique (CIO), Thomas Bach, a eu de quoi se réjouir à l’ouverture de la session de l’instance faîtière du sport mondial, mardi 6 février. Soudain, l’esprit olympique voulait de nouveau dire quelque chose.

L’opportun et surprenant virage du leadeur nord-coréen lors de son discours du Nouvel An, par lequel il annonçait la participation d’une ­délégation du Nord aux Jeux olympiques, dont il souhaitait le « succès », a sauvé l’hiver du CIO. Thomas Bach n’avait plus qu’à accompagner la reprise du dialogue entre les deux Corées et tout mettre en œuvre pour favoriser un défilé commun lors de la cérémonie d’ouverture, la participation de 22 sportifs du Nord et même, fait sans précédent dans l’histoire olympique, faire jouer ensemble des hockeyeuses des deux parties de la péninsule. « L’esprit olympique apporte l’espoir d’un avenir meilleur pour toute la péninsule ­coréenne », a lancé le président du CIO, tout en ­admettant que « le sport ne pouvait créer la paix ».

Entre le changement climatique et l’hostilité croissante des opinions publiques occidentales aux projets coûteux, le CIO pourrait se retrouver bientôt à court d’options pour poser son barnum

C’est un coin de bleu au-dessus de Lausanne, où le ciel n’a jamais été aussi orageux. Les JO subissent des assauts de toutes natures. Entre le changement climatique et l’hostilité croissante des opinions publiques occidentales aux projets coûteux, le CIO pourrait se retrouver bientôt à court d’options pour poser son barnum.

D’autres défis sont plus anciens, qu’il s’agisse des scandales, s’invitant si souvent au processus d’attribution ou dans les chantiers des Jeux – ce fut le cas en Corée du Sud –, ou bien sûr du ­dopage. Trente ans après les Jeux de Séoul, marqués par le contrôle positif du champion olympique du 100 mètres Ben Johnson, les Sud-Coréens voient à nouveau leurs JO pollués par les affaires avant même qu’ils n’aient commencé.

Télévisions et sponsors suivent

L’imbroglio diplomatico-scientifico-juridique du dopage des sportifs russes n’est pas réglé, quatre ans après que Moscou a fait tourner les Jeux de Sotchi à la supercherie en manipulant les échantillons antidopage de ses sportifs. A moins d’une semaine des Jeux, la révélation des valeurs sanguines de spécialistes du ski de fond, jugées douteuses pour un tiers des médaillés dans les grandes compétitions, est venue rappeler que la triche ne concernait pas que les Russes : aucune nation n’est à l’abri des tentations, surtout pas la France, pourtant si prompte à faire la leçon.

Pour l’instant, les télévisions et les sponsors suivent : les finances du CIO se portent bien. Si l’argent continue de rentrer, c’est que l’intérêt des téléspectateurs – essentiellement dans les pays occidentaux – ne se dément pas non plus. C’est dire à quel point les Jeux fascinent, grâce à leurs acteurs et en dépit des organisateurs : l’aveuglement est un sport olympique. Pendant dix-sept jours, on parviendra encore à s’attacher aux adolescentes s’envoyant sur deux spatules à six mètres de hauteur, ou aux hommes survolant l’équivalent du Stade de France comme en lévitation.

Les JO font basculer certains dans la folie dou­ce, et pas seulement les noctambules pressés d’assister, vendredi, aux qualifications du ski de bosses. Le porte-drapeau des Tonga aux Jeux de Rio, il y a dix-huit mois, est passé du taekwondo au ski de fond pour regoûter au plus vite à l’aventure olympique. Et qu’importe s’il n’avait jamais vu la neige : il s’est entraîné sur des skis à roulettes et a trouvé pour compagnons d’épopée un Mexicain et un Chilien. Pour la survie de l’esprit olympique, les sportifs sont des alliés plus sûrs que le dictateur nord-coréen ou que les caciques du CIO.